OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La twittclasse vire au clash http://owni.fr/2012/10/19/la-twittclasse-vire-au-clash/ http://owni.fr/2012/10/19/la-twittclasse-vire-au-clash/#comments Fri, 19 Oct 2012 13:03:57 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=123042

Mise à jour du 23 octobre
Mise à jour du 26 octobre

En Haute-Savoie, la première twittclasse du département a dû fermer sa timeline fin septembre, peu de temps après son ouverture, un rétropédalage qui semble inédit.

Il existe actuellement plus de 200 twittclasses en France qui fonctionnent sans problème, en accord avec leur hiérarchie. Il est fini le temps des expérimentations audacieuses de la pugnace Laurence Juin, la première à avoir utilisé le site de micro-blogging Twitter dans un cadre pédagogique en France. Le Centre national de documentation pédagogique donne même la marche à suivre.

Un lien vers YouPorn ou des insultes auraient-ils atterri dessus ? Rien de tout cela. Dès le début, tout a été fait dans les règles, nous a expliqué Aurélie, la jeune institutrice de La Roche-sur-Foron à l’origine de l’initiative :

Pour préparer le terrain, j’ai pris contact avec ma conseillère pédagogique en juin, pour savoir à qui m’adresser et quel projet fournir. Je me suis aussi renseignée auprès de collègues ayant des twittclasses pour savoir la procédure qu’ils avaient suivie. Puis, nous avons attendu les recommandations du chargé TICE du recteur de mon académie. Après ce feu vert hiérarchique, la réponse de mon inspectrice de l’Éducation nationale (IEN) a vite été positive.

Hacker la pédagogie

Hacker la pédagogie

Les médias sociaux font l'objet de fréquents blocages dans les établissements scolaires. Pourtant, en eux-mêmes, ils ne ...

La procédure peut sembler lourde, mais la maison Éducation nationale fonctionne ainsi, a fortiori quand il s’agit d’Internet, souffre-douleur d’une partie du corps enseignant, lassé des copié-collé Wikipedia et fermé aux charmes des liens faibles de Facebook, ce pourvoyeur de cyber-harcèlement.  Les premiers pas sur le réseau social se font sans souci, en respectant bien des règles pour éviter des dérapages : les élèves ne possèdent pas le mot de passe – qui n’est pas la date de naissance d’Aurélie… -, ils ont pour l’instant accès au compte via un projecteur, et plus encore,“ils ne tweetaient quasiment jamais en temps réel par manque de matériel en classe, nous enregistrions tous les messages dans des documents OpenOffice, puis ils étaient copiés-collés dans Twitter”, souligne Aurélie. Difficile de contrôler davantage. Certains parents s’y mettent même puisque cinq élèves créent un compte dans la foulée, précise-t-elle.

Bug Facebook cache-crasse technique

Et puis patatras, l’expérience est suspendue :

J’ai reçu l’ordre de cesser temporairement de tweeter avec la classe, au prétexte initial du pseudo-bug Facebook, et en attendant un avis des services juridiques… du Rectorat.

Le même rectorat qui avait donné son accord peu avant. La suspension sera transformée en arrêt total, pour des questions de sécurité. Contactée, l’inspectrice de l’Éducation Marie-Françoise Casanova nous a expliqué :

Les serveurs de Twitter sont à l’extérieur et l’entreprise n’a pas de convention avec l’Éducation nationale. Le projet n’a pas été autorisé, il l’était au début. D’autres logiciels qui ne respectent pas les conventions de sécurité sont interdits, ça n’a rien à voir avec Twitter. J’avais juste donné un avis pédagogique, le projet était, est toujours intéressant. La sécurité est la seule raison.

Jusqu’à nouvel ordre, les twittclasses sont désormais interdites dans le département. Et le nouvel ordre, c’est donc des conditions de sécurité satisfaisantes. On en conclut que l’Éducation nationale devra héberger des serveurs de Twitter.

Internet, c’est le mal

Dans le petit milieu des professeurs qui <3 les Internets, la décision parait absurde. Stéphanie de Vanssay, contributrice d’Elab (laboratoire-éducation-numérique), s’emporte : “Je suis outrée de cette fermeture sous de faux prétextes, c’est emblématique de la défiance généralisée de la hiérarchie envers les enseignants et d’une grave méconnaissance de tout ce que peut apporter le web à notre enseignement et à nos élèves.”

François Meroth, le président de l’association des Amis et défenseurs de l’école publique (ADEP), basée en Haute-Savoie, y voit un “décalage entre le discours affiché, avec la volonté affirmée d’ouvrir l’école et les politiques locales fermées.” Le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon vient en effet de remettre sa feuille de route quinquennale pour refonder l’école en 10 points. Et “L’école et les nouvelles technologies” occupent le 8erang :

Les nouvelles technologies devront être utilisées comme “un levier de changement, d’ouverture“. Pour réussir le déploiement de l’e-éducation, le président de la République a demandé que les établissements soient équipés des matériels, ressources et réseaux nécessaires.

Bisbilles microcosmiques

On comprend d’autant plus l’agacement de François Meroth en se penchant sur la presse locale. La sécurité n’a peut-être rien à voir là-dedans, mais plus des enjeux de pouvoir microcosmiques. Le Dauphiné libéré relate dans un article surtitré “la seule classe Twitter du département, qu’il devait visiter, a été suspendue” :

Pierre Frackowiak, pédagogue et toute une carrière passée au sein de l’Éducation nationale, était invité par l’association des Amis et défenseurs de l’école publique (ADEP) pour s’exprimer devant le public, vendredi à La Roche-sur-Foron. Avant cela, il devait rendre visite à la seule classe Twitter du département située dans la même ville. Il n’en a pas reçu l’autorisation.

Quoi qu’il en soit, Aurélie et ses petits élèves peuvent se consoler en lisant les messages de soutien sur Twitter, qui eux circulent librement :

MàJ mardi 23 octobre

Pour tenter de faire évoluer la situation, l’ADEP et e.l@b ont envoyé une lettre ouverte au recteur, signé par “les personnalités et mouvements syndicaux ou pédagogiques suivants : Education et Devenir; Prisme; La Ligue de l’Enseignement; SE-UNSA; SGEN-Cfdt; SGEN-Cfdt 74; SNUipp 74; CRAP-Cahiers pédagogiques; Pierre Frackowiak, (IEN honoraire); Michel Guillou, (consultant spécialiste en éducation numérique); Jean-Jacques Hazan, (président de la FCPE); Philippe Joutard, (ancien recteur); François Taddei, (généticien, membre du Haut Conseil de l’Education).”

Lettre qui sera envoyée si rien ne bouge ce jeudi “pour un écho aussi large que possible dans la presse”.

C’est la twitt-guerre.

MàJ mardi 26 octobre

Owni a reçu des nouvelles de cette affaire par l’intermédiaire de l’ADEP :

“L’affaire de la ‘Twitt-Classe’ se règle ce jour, sans que nous devions publier la ‘lettre ouverte’. Nous avions dit au Recteur que nous espérions une solution dans les 48 heures. C’est en cours, les choses s’étant accélérées de façon significative. Nous vous remercions de l’intérêt que [...] vous avez porté sur cette affaire qui était nettement moins anecdotique qu’il n’y semblait. Et les articles parus dans la presse et les réseaux locaux ou nationaux auront eu leur importance.

Dans un message pervenu aux signataires de la lettre, l’ADEP se félicite que “l’enseignante a[it] reçu ce jour une forte délégation “de luxe”, (IEN, DASEN, IANA…), pour un examen approfondi du projet” et que “la classe Twitter [puisse] redémarrer, moyennant quelques aménagements qui permettent à tout le monde de sortir avec les honneurs de cet imbroglio.


Photo de Mallix [CC-byncnd]

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Collégien suréquipé édition limitée http://owni.fr/2012/10/10/collegien-surequipe-edition-limitee-ordival/ http://owni.fr/2012/10/10/collegien-surequipe-edition-limitee-ordival/#comments Wed, 10 Oct 2012 06:30:30 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=121932

Le Conseil général du Val-de-Marne a chouchouté ses élèves de sixième cette année en leur offrant à leur entrée au collège un ordinateur portable. Un netbook d’un peu plus d’un kilo pour les accompagner tout au long de leur scolarité de collégien. Et peu importe qu’ils en possèdent déjà un. Dans le texte, l’intention est au premier abord plutôt sensée :

Une action destinée à favoriser le développement des usages des Technologies de l’information, de la communication et de l’éducation. En quatre ans, les 50 000 collégiens du Val-de-Marne seront ainsi tous équipés !

Liberté, égalité, tous connectés : louable certes.

Avec l’intention de “favoriser l’autonomie, l’émancipation et la liberté d’information des élèves”, ce partenariat avec l’Éducation nationale pèse avant tout la bagatelle de 25 millions d’euros sur quatre ans de dispositif. En plus des 13 millions d’euros déjà budgétés dans le cadre de l’équipement informatique des collèges. L’objet (1,3 kilo) possède une session élève et une session parent, une clef USB et un système antivol qui rend l’ordinateur inutilisable dès qu’il est déclaré volé. Pour accompagner les parents, une hotline au “prix d’un appel local”. Le véritable kit pour pousser les parents à mettre le nez dans l’Internet et les nouvelles technologies. Quant aux enseignants, équipés eux aussi, ils pourront – en théorie – recevoir une formation dispensée par l’Education nationale.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La vidéo de présentation d’Ordival – le petit nom du programme d’offre de ces ordinateurs – à destination des enfants le dit clairement : 205 tableaux numériques installés dans les collèges du département, toutes les classes de tous les collèges reliés à Internet d’ici fin 2013, 40 logiciels installés sur chaque ordinateur, un contrôle parental et une protection antivol sur toutes les “machines”. Et à destination des parents et de la presse, le discours est le même, petit moment M6 Boutique en bonus en début de vidéo. Sur les 13 300, Patrick Hervy, l’un des responsables du programme au Conseil général précise que “6 à 7 000 ordinateurs ont été pour le moment distribués. D’une valeur de 340 euros pour les collégiens et 540 pour les enseignants.”

Mais en ont-ils vraiment TOUS besoin ?

Pour Patrick Hervy, l’équipement de tous les collégiens, indépendamment de leurs conditions sociales était indispensable :

Nous souhaitons niveler du bas vers le haut. Les mêmes équipements pour tout le monde. Si l’on prend l’exemple de Saint-Maur [commune aisée du département, ndlr], les familles sont peut-être déjà équipées mais l’ordinateur n’est pas nécessairement destiné à être un outil de travail. Ils contiennent en outre une médiathèque qui n’est pas installable sur un ordinateur lambda. C’est un principe d’égalité d’école républicaine qui prévaut.

Peu importe que l’enfant en possède déjà un et que la famille soit assez aisée. L’essentiel étant qu’il puisse l’emmener au collège si et quand le prof le demande. “Aucun établissement n’a décidé de faire en sorte qu’il y ait 30 gamins devant leur ordi 8 heures par jour !” explique Patrick Hervy.

M. François, adjoint du principal du collège de Valenton est enthousiaste :

La distribution a eu lieu ce samedi et la réception a été plutôt bonne. Les professeurs vont travailler avec les élèves sur ordinateur et ça va améliorer la pédagogie. On leur a dit qu’ils avaient de la chance d’en avoir un chacun.

Le collège – classé en ZEP – étant expérimental possède déjà des tableaux numériques interactifs dans chaque salle de classe.

Moins d’enthousiasme dans un autre collège du département. Une principale, qui a préféré rester anonyme explique que l’initiative du Conseil général est très bonne mais qu’elle implique beaucoup de choses. “C’est un gros budget, mais la technologie pourra être très vite dépassée. En cas de pépin, perte ou vol c’est le collège qui va gérer.”, explique-t-elle.

La question de la distribution à tous se pose aussi pour la principale :

Est-ce que ça se justifie ?

Questions techniques et questions de pratiques

Côté technique, l’Ordival est sous Windows 7 avec la possibilité d’acheter les licences des logiciels propriétaires. Mais sont installés des logiciels libres pour les outils de base. À la question de l’autonomie, Patrick Hervy répond que “les ordinateurs ne sont pas fait pour rester allumés pendant 8 heures de cours et que la batterie [neuve] a une autonomie de 7 heures”. Visiblement, nul besoin d’équiper les classes en multiprises. La première année en tout cas.

À un parent qui a posé la question lors d’une distribution dans un collège, l’un des techniciens présent a répondu que “s’il était chargé tout le temps sur secteur, il ne tiendra[it] pas un an”. Difficile de mesurer de quelle façon les collégiens s’en serviront, d’autant que “l’astuce technique” n’est précisée nulle part. À nouveau matériel, nouvel usage technique à acquérir.

La principale d’un collège d’une commune aisée précise :

Les enseignants sont plus ou moins réticent déjà. Ensuite, nous n’avons pas de prises dans les salles, [pas assez pour brancher plus de deux ordinateurs, ndlr], comment faire quand certains auront oublié de charger leur ordinateur la veille ? Même question s’ils oublient leur ordinateur tout court ?

Pour cette principale, la réussite de l’opération va aussi passer par “la motivation des enseignants”. Que répondre à un professeur qui lui explique “qu’il préfère sa plume et son papier, même si on est pas au XIXème siècle” ?

Et ailleurs ?

L’initiative n’est pas nouvelle mais elle est la plus coûteuse – pour des raisons de déploiement et de proportion notamment. En septembre 2010, le Conseil général des Hauts de Seine avait pourvu chacun de ses collèges de deux iPad. Montant de l’opération : 133 collèges avec 2 iPad = 185 000 euros pour l’un des départements les plus riches de France.

Dans les colonnes de Libération à l’époque, Antoine Tresgots, délégué national du syndicat des enseignants de l’Unsa déclarait :

Quand la collectivité décide de balancer du matériel sans aucun lien avec les demandes des enseignants, ça n’a aucun sens. C’est une magnifique opération de communication.

Même type d’opération mais de plus grande envergure cette fois – de l’ordre de celle du Val-de-Marne, collectivité territoriale différente -, la distribution d’ordinateurs portables par la région Languedoc-Roussillon à ses 32 000 élèves de seconde à la rentrée 2011. Budget alloué : 15 millions d’euros sur trois ans. Le programme LoRdi a récemment été au centre d’une polémique au sein de la région puisque 12 ordinateurs avaient été retrouvés en vente sur “Le Bon Coin” et autres sites de vente d’occasion en ligne.

Motifs invoqués par les lycéens vendeurs ? Besoin d’argent et inutilité de l’objet. Un adolescent interrogé par le Midi Libre explique surtout que :

On ne peut quasiment pas s’en servir au lycée et il y a même certains profs qui y sont allergiques. Enfin, la plupart d’entre nous en avaient déjà un avant, bien meilleur.

Tandis qu’une autre lycéenne (vendeuse) précise que l’ordinateur leur a été distribué “sans [leur] demander [leur] avis, sans explication, comme on [leur] sert des frites à la cantine :

À aucun moment un prof nous a demandé de l’utiliser. Je ne vois pas pourquoi je ne le vendrais pas. Il m’encombre.


Photo par Kalexanderson [CC-by-nc-sa] remix O.Noor pour Owni

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La Cnil dispense à la légère l’école http://owni.fr/2012/07/24/la-cnil-dispense-a-la-legere-lecole/ http://owni.fr/2012/07/24/la-cnil-dispense-a-la-legere-lecole/#comments Tue, 24 Jul 2012 14:10:55 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=116678

Le 13 juillet dernier, la Cnil a publié au Journal officiel une délibération dispensant de déclaration les fichiers locaux des établissements scolaires du secondaire du public et du privé. Il s’agit de la 17ème dispense délivrée par l’autorité administrative chargé de veiller à l’application de la loi Informatique et Libertés de 1978. Ces fichiers, aux jolis noms de SACOCHE, PRONOTE, OTM ou CERISE, contiennent un certain nombre de données personnelles sensibles :

nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, adresse, adresse électronique de l’élève fournie par l’établissement, nombre de frères et sœurs scolarisés, et, à titre facultatif et uniquement si l’intéressé y consent : la nationalité (uniquement en vue de l’établissement par le ministère de traitements statistiques anonymes), l’adresse électronique personnelle de l’élève, le numéro de téléphone portable de l’élève. [...]

Scolarité de l’élève : établissement d’origine, classe, groupe, division fréquentés et options suivies pendant l’année scolaire en cours et l’année scolaire antérieure, année d’entrée dans l’établissement, diplômes obtenus, position (non-redoublant, redoublant, triplant), décision d’orientation et décision d’affectation, notes, acquis au sens du décret n° 2007-860 du 14 mai 2007 relatif au livret personnel de compétences, noms des enseignants, absences, sanctions disciplinaires, vœux d’orientation ;

“Une consultation rapide des autres dispenses fait apparaître le contraste entre le champ couvert par la 17ème dispense par rapport aux autres, note un membre du Collectif national de résistance à Base élèves (CNRB), qui s’oppose au fichage des élèves : le fichier électoral des communes, les listes de fournisseurs d’une entreprise, liste des abonnés à une revue, liste des chambre d’hôtes, etc. Tout ceci me semble anodin quant aux contenus donc aux atteintes possibles à la vie privée et aux libertés. Certes, tout ceci ne doit servir qu’en interne aux établissements mais quand même.”

Toutes ces données iront ensuite alimenter des fichiers nationaux dont le très polémique BE1D (base élèves premier degré). Interrogée par Owni, la Cnil a répondu qu’elle n’y voyait pas de problème :

Jusqu’à l’adoption de cette dispense, les établissements scolaires devaient adresser une déclaration à la CNIL qui donnait lieu à l’envoi d’un récépissé après vérification du caractère complet du dossier. Cela générait un flux important pour la CNIL sur des traitements connus par elle et soulevant peu de problématiques juridiques.
Dès lors, la CNIL a souhaité adopter une dispense actualisée et pédagogique, qui responsabilise davantage le responsable de traitement en cas de contrôle, pousse les chefs d’établissements à vérifier avec plus d’acuité s’ils entrent ou non dans le cadre de ladite dispense, que ce soit en termes de données traitées, de destinataires ou de sécurité.

5 contrôles sur 11 300 établissements

Pourtant, la sécurité des fichiers scolaires a récemment été remise sur en cause. On avait pu voir trainer sur Internet des données nominatives sensibles tirées des dossiers AFFELNET d’affectation dans les collèges et les lycées, extraits de SCONET et BE1D :

Une fuite qui devrait inciter la Cnil à une vigilance renforcée. Interrogée à ce sujet, elle réaffirme la responsabilité des chefs d’établissement :

Être dispensé de déclaration n’exonère les établissements d’aucune de leurs obligations au titre de la loi informatique et libertés. En particulier, ils sont tenus de garantir la sécurité des données. Une série de contrôles a été effectuée en début d’année 2012 auprès de 5 collèges et lycées en ce sens.

Une responsabilisation qui amuse bien le membre du CNRBE :

C’est peu de dire que la loi “Informatique et Libertés” est peu connue des directions d’établissement (et même des rectorats). Jusqu’à cette dispense, je serais curieux de savoir combien de déclarations ont été faites par des établissements ou des rectorats, elles doivent être très rares. Dans ce contexte, la lecture rapide de la 17 va les confirmer dans l’idée qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Par exemple, communiquer des listes d’élèves selon leur adresse et leur établissement et leur classe au Conseil général pour organiser le transport scolaire. Ce n’est qu’implicitement que la 17 dit qu’elle ne s’applique pas à une telle fourniture : qui va le voir ?

Nous avons demandé à la Cnil le résultat du contrôle des 5 établissements, sur les quelque 11 300 que compte la France dans le secondaire, et sa réponse semble corroborer ces craintes :

Les contrôles menés en début d’année auprès de plusieurs collèges et lycées ont conduit la Commission à constater certaines insuffisances concernant :

- les formalités préalables que ces établissements doivent accomplir auprès de la CNIL ;
- l’information des élèves et de leur représentant légaux sur le traitement de leurs données et les droits dont ils disposent ;
- les mesures mises en œuvre par ces établissements pour assurer la sécurité des données traitées.

Il est vrai que les fichiers scolaires ne semblent pas la priorité de la Cnil. Ainsi, Base élève premier degré avait fonctionné plus d’un an sans attendre la délivrance du récépissé de la déclaration auprès de la Cnil, de 2004 à 2006, comme l’avait détaillé le Conseil d’État dans sa décision du 19 juillet 2010, suite à sa saisine par le CNRBE. Et le conseil des sages avait jugé excessive la durée de conservation de 35 ans des données dans Base Nationale des Identifiants Elèves (BNIE), un base nationale qui rassemble les immatriculations uniques de chaque élève depuis son entrée dans le système scolaire. Initialement, le ministère de l’Éducation nationale (MEN) souhaitait qu’elle soit de 40 ans, la Cnil avait tiqué, le MEN avait donc proposé 35 ans. Cette fois-ci, la Cnil n’avait plus tiqué.


Photo par ubiquity-zh (CC-BY-NC)

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Des écoles game over http://owni.fr/2012/04/16/des-ecoles-game-over/ http://owni.fr/2012/04/16/des-ecoles-game-over/#comments Mon, 16 Apr 2012 13:32:49 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=106186 gamification de l'enseignement produit des premiers résultats, notamment aux États-Unis. Permettant de penser autrement les programmes scolaires, en intégrant - modérément - la culture du jeu vidéo. Mais pas en France. Où les derniers travaux sur la présence du numérique dans les écoles trahissent des lacunes criantes. ]]>

“L’e-éducation n’est pas un gadget” affirmait Vincent Peillon le 30 mars dernier lors d’un colloque sur le thème “le numérique, moteur du changement”. Le député européen (PS) et chargé de l’éducation dans la campagne de François Hollande a ainsi pointé du doigt le retard de la France vis-à-vis du numérique dans le système éducatif. Un retard confirmé et étayé par le député (UMP) des Yvelines Jean-Michel Fourgous, dans son rapport « “Apprendre autrement à l’ère du numérique” , remis le 3 avril dernier à l’Assemblée nationale.

Années 50

Dans le secondaire, on dénombre seulement 3,4 élèves par ordinateur, et 10 élèves par ordinateur en primaire, selon les chiffres du ministère de l’Éducation. Il y a deux ans, dans son premier rapport “Réussir l’école numérique”, Jean-Michel Fourgous avait fixé pour objectif national d’arriver à trois élèves par ordinateur dans l’année en cours – en 2010 donc. Un objectif qui, deux ans plus tard, n’est toujours pas atteint.

À la manière de tous les autres secteurs, l’enseignement ne peut fuir le numérique et se doit de s’y adapter. Face à des digital natives pour qui les technologies de l’information sont devenues une autre langue maternelle, le système traditionnel d’enseignement semble archaïque. Yann Leroux, psychologue, déplore ainsi l’inadéquation de l’enseignement avec les évolutions de la société :

On ne peut pas enseigner à un lycéen qui a accès à Wikipédia comme on le faisait avec un lycéen des années 50, la révolution du numérique doit se faire dans tous les champs de la société.

L’arrivée du numérique a entrainé une redistribution des cartes. Le savoir n’est plus l’apanage d’enseignants qui en sont les uniques diffuseurs. Il est désormais accessible à tous. Une évolution sur laquelle on ne peut pas transiger, selon Vincent Peillon :

Si l’école est en retard alors qu’elle devrait, comme le disait Edgar Quinet « être le messager de l’avenir », alors elle n’est plus à sa place.

Maîtresse

La gamification (ludification en français), ou l’application des mécanismes du jeu vidéo dans un autre domaine, n’est pas aussi récente que le mot tendance qui la qualifie.  Le mouvement a même débuté dans le secteur scolaire il y a bien longtemps. Le système de notation (notion de score) ainsi que le bon point distribué par la maîtresse à la fin d’un exercice (gratification) ne sont ni plus ni moins que des formes primitives de gamification.

Lesquelles peuvent évoluer et rejoindre des objectifs éducatifs. Ainsi, au début des années 2000 sont apparus les serious games. Finis les jeux vidéo jugés inutiles et dangereux, place aux jeux pédagogiques et familiaux.

Ce nouveau type de jeux a amélioré la réputation du jeu vidéo, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités d’usage. Ces dernières années, de nombreux jeux ont vu le jour, à l’image  d’Angles, un jeu créé par la BBC pour permettre aux enfants de différencier les angles géométriques en  les utilisant pour faire avancer un robot. Ce type de jeu est une évolution par rapport aux edugames des années 90. En effet, la finalité n’est pas de réussir un exercice de maths simplement présenté par un petit personnage guilleret mais bien de faire progresser un personnage dans un monde virtuel tout en apprenant, sans s’en rendre compte.

Pour Arana Shapiro, co-directrice de Quest to learn, une école expérimentale américaine, un peu révolutionnaire, dans laquelle l’enseignement s’inspire de la gamification, l’apprentissage serait plus facile à travers le jeu car les élèves se sentent nettement plus impliqués :

Quand les élèves jouent à un jeu ils en connaissent le but, ils savent où ils vont car les mécanismes sont clairs. Le feedback est immédiat et les élèves deviennent des acteurs de leur apprentissage.

Leigh Alexander, une journaliste américaine spécialiste des jeux vidéo ajoute que l’apprentissage dans le jeu ou dans l’expérience gamifiée a des répercussions sur le comportement en dehors de ce jeu :

Avec la montée croissante de l’usage des réseaux sociaux dans les jeux, il est possible de créer des jeux en ligne dans lesquels le comportement de l’enfant a un impact dans la vraie vie. On peut par exemple leur apprendre ce qu’est le réchauffement climatique et leur montrer comment avoir les comportements adéquats, comportements qu’ils assimileront et avec lesquels ils pourront faire une vraie différence dans la vie de tous les jours.

L’usage de la gamification en direction des enfants permet aujourd’hui de créer des applications pour les autonomiser et les responsabiliser, tout en leur apprenant à porter un autre regard sur le monde qui les entourent.

Le jeu permet aussi d’apprendre sans sentiment d’échec, la fin d’une partie n’ayant pas le même impact qu’une sanction telle qu’une mauvaise note ou une appréciation décevante. Pour Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation :

Le jeu permet de mettre à distance les conséquences.

Grande échelle

L’école Quest to learn, créée à Manhattan en 2009, est une école expérimentale qui a poussé la gamification à son paroxysme. Le programme pédagogique est le même que dans n’importe quelle école américaine, mais il est rendu plus engageant par des méthodes radicalement différentes.

Tout le système scolaire a été repensé, les matières ont été renommées : le sport est devenu “wellness”, les maths “codeworld” et les sciences “the way things work”. L’école n’utilise pas de jeux vidéo commerciaux mais applique les mécanismes du jeu pour créer des expériences d’apprentissage qui reposent sur l’immersion, l’engagement et la quête, comme dans une sorte de jeu vidéo à grande échelle.

Dans cette école, pas de notation ou de classement, les élèves évoluent de niveaux en niveaux selon leur progression, indépendamment d’une classe ou des autres, uniquement à l’aune de leurs propres efforts. Ce qui n’empêche pas la dimension collaborative d’être au cœur de l’enseignement. Dans chaque matière, un concepteur de jeux aide les élèves à construire leur propre projet.

Un jeu commun, mettant en application ce qu’ils ont retenu de la matière et dont ils décident des règles et des modalités. Ayant vu le jour en 2009, il n’est pas encore possible de dresser un bilan du bien-fondé de ce type d’enseignement, même si, en 2011, une autre école Quest to learn a vu le jour à Chicago.

Puisque les réformes vers une e-école sont engagées, pourquoi ne pas imaginer une part de gamification du système scolaire français… Pour  Damien Djaouti, docteur en informatique et cofondateur de ludoscience, ce n’est pas envisageable :

La gamification n’est pas possible, si on la pousse à son paroxysme, tout sera jeu et donc plus rien ne sera jeu.

Évoquant la notion de cercle magique, il insiste sur le fait que le jeu doit se dérouler dans un univers distinct de la réalité. L’usage du jeu doit donc être restreint et n’être utilisé qu’en complémentarité d’autres méthodes. Yann Leroux va plus loin en expliquant que le transfert de la dynamique du jeu vidéo en classe est un exercice périlleux :

Ce qui caractérise le jeu c’est d’être différent du travail […]  avec le travail on cherche à acquérir des aptitudes, la dynamique n’est pas la même [...] La formation des enseignants à ces nouvelles pratiques est nécessaire mais il y a une vraie réflexion à mener entre pédagogues au préalable.

Le jeu vidéo, qui est encore assimilé à l’oisiveté, semble encore incompatible avec le travail et l’apprentissage au sein des écoles. Il faudra donc attendre que l’usage du numérique dans l’enseignement français se démocratise. Que l’e-école entre dans la réalité avant d’expérimenter la gamification.


Illustrations et photos sous licences creative commons par Alfred Hermida, Cory Schmitz et Viktor Hertz

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Interro surprise sur vos portables http://owni.fr/2012/02/14/education-interro-surprise-sur-vos-portables/ http://owni.fr/2012/02/14/education-interro-surprise-sur-vos-portables/#comments Tue, 14 Feb 2012 17:44:41 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=97830

L’école se “technologise”. Les TIC (technologies de l’Information et de la Communication) sont partout, leurs avancées abondamment relayées dans les médias –et abondamment commentées par les internautes.
Or les commentaires, souvent négatifs, des lecteurs (et parfois même des éducateurs) dénotent une vaste incompréhension des enjeux éducatifs des nouvelles technologies.

Le problème réside sans doute et avant tout dans le terme “TIC”, un collectif  proche de l’Inventaire à la Prévert :

Ordinateur  ou Tableau Blanc Interactif (TBI) ? TBI ou tablette numérique ? Ordinateur ou téléphone portable ?

Ainsi énoncés pêle-mêle, la spécificité pédagogique de chacun de ces outils technologiques est occultée. C’est pourtant là que se joue leur pertinence éducative.
Si, comme l’a dit Marshall Mcluhan, “le médium est le message“, quels messages pédagogiques véhicule le choix d’un médium plutôt que d’un autre ?

Individuel ou centralisé ?

Ce qui sépare le tableau blanc interactif des autres outils (ordinateur, tablette ou téléphone), c’est l’individualisation.

Une pédagogie qui s’appuie sur le Tableau Blanc Interactif tend à être centrée sur la tâche : cela convient à la résolution (plus ou moins standard) d’exercices, à l’enseignement frontal (l’enseignant expose une connaissance, un concept, face à la classe). La pédagogie mise en œuvre via le TBI reste une pédagogie “classique”.  Le médium change, le message reste le même.
Par contraste, les autres technologies, de par leur caractère individuel, mettent l’accent sur une pédagogie centrée sur l’élève : il ou elle crée, recherche, et au besoin synthétise ; expose ; diffuse ; partage.

Sédentaire ou nomade ?

A l’opposé de la technologie sédentaire du type TBI ou ordinateur fixe (et à plus forte raison “la salle d’ordinateurs”), les appareils nomades tels les tablettes numériques, MP3, appareils photo digitaux et autres, permettent d’expérimenter dans le monde extérieur et d’ancrer les apprentissages scolaires dans d’autres lieux que celui de la classe. Un exemple pris parmi d’autres : dans le projet Les arbres de mon parc, les élèves se sont servis de GPS et d’appareils numériques synchronisés entre eux pour créer et annoter une carte Google de leur parc ; ils y décrivent la flore de façon détaillée.

Cet exercice était à l’origine un travail de français ; ainsi traité avec les outils numériques, il devient un projet qui induit la maîtrise de plusieurs technologies mobiles et applications. La littératie médiatique s’incarne.

Matériel scolaire ou  appareils numériques personnels ?

C’est une des tendances majeures qui se dessinent  pour 2012 : BYOD (Bring Your Own Devices), ou AVAN (Apportez Vos Appareils Numériques,  traduction opportune et positive de Jean-Marie Gilliot ) tire parti de tous les appareils numériques des élèves en mettant à profit leur apport éducatif dans la classe. Les avantages sont divers, depuis le coût zéro pour l’école jusqu’à la familiarité de l’apprenant/e avec cette technologie ; la prise en main de l’appareil est instantanée : pas besoin d’apprendre à utiliser son MP3, son téléphone portable, sa tablette numérique… Par contre, l’utiliser dans le cadre de la classe permettra à l’apprenant(e) de découvrir de nouvelles façons d’acquérir des connaissances via des appareils numériques déjà en sa possession.

Les enseignants qui franchissent le pas et vont de l’AVAN(t) contribuent à recadrer le débat des appareils personnels à l’école : plutôt que de les combattre parce qu’ils (perturbent le cours / pourraient être la source d’intimidation entre élèves / permettent de filmer le prof à son insu / etc.), ils font confiance  à l’élève et valorisent un outil que celui-ci aime – dans un contexte éducatif.

Certes les différences de moyens entre élèves se feront sentir, mais plutôt que de tirer un trait sur cette immense ressource par souci égalitaire, soucions-nous d’équité et voyons comment aider les plus démunis à s’équiper –comme cela se fait pour les livres et fournitures scolaires.

Au delà du hardware : le software

Tout comme le choix d’une technologie, celui d’une application vient avec sa dimension idéologique. Quel type d’apprentissage l’enseignant souhaite-il mettre en œuvre dans sa classe ?

Il existe de plus en plus de matériel didactique fait sur-mesure pour les écoles. Cours en ligne , tutoriels, jeux sérieux, ces applications répondent à des contenus scolaires précis.

Il existe également  de nombreux logiciels, applications, ou sites non spécifiques à l’éducation, mais qui peuvent être mis à profit par l’école. Par exemple, le très populaire jeu Minecraft (sorte de Légos virtuels) est à présent exploité en milieu scolaire, au point que deux enseignants en ont créé une version (“mod”) éducative. En mode créatif, ce monde virtuel est également exploité comme laboratoire d’expérimentation de physique ou électriques (réalisation de circuits avec le “red stone”). Le jeu Sims ou le monde virtuel Second Life sont aussi activement exploités par certains éducateurs.

Là encore, l’énorme avantage pour l’école est, comme pour la posture AVAN, que le coût financier de l’exploitation de ces environnements est quasi nul ; et que les jeunes connaissent vraisemblablement ces jeux, ce qui facilitera et accélèrera leur prise en main dans un contexte éducatif. Il est à noter que certains jeux sérieux exploitent intelligemment cela en répliquant les environnements de jeux connus pour habiller du contenu scolaire ; témoin ce Baroque Baroque Revolution qui vous fait découvrir la musique baroque selon le modèle de Guitar Hero, et vous la fait même  danser à la manière de Dance Dance Revolution.

Quid des médias sociaux ?

En plus des jeux, l’enseignant dispose  de l’immense panoplie des médias sociaux et plateformes 2.0 telles Twitter, Facebook, Google Docs et Maps, Diigo, Pearltree, …-pour peu que les se(r)vices techniques de son école lui en permettent l’accès.

Car scolairement comme médiatiquement parlant, nous sommes là en terrain miné : le fait d’utiliser les médias sociaux en classe est immanquablement sujet à controverse ; pensée indigente pour les 140 caractères de Twitter, démagogie pour Facebook, et bien sûr risque immanent de contenus et comportements inappropriés en ligne -les poncifs ne manquent pas. Pourtant chaque média social mériterait qu’on s’y arrête -et c’est ce que font les enseignants innovants :  ils/elles considèrent les spécificités de l’environnement qu’il met à la disposition des apprenant(e)s, et sélectionne celui (ou ceux) qui leur permet de servir au mieux les concepts à transmettre.

Tous les médias sociaux ont un point commun, qui est également  leur immense avantage par rapport à des contenus spécifiquement scolaires : ils permettent à l’apprenant de construire son réseau personnel d’apprentissage -et, ce faisant, sa présence en ligne- le tout dans un environnement qui dépasse les limites de la classe ou de l’école.

Il faut du temps pour bâtir un réseau. Il faut du temps pour accumuler du capital social -monnaie d’échange du réseau- et maîtriser les interactions qui génèrent ce capital : elles sont fondées sur le don (d’informations, de liens, d’idées, …) et la réciprocité. Gagner des “followers” sur Twitter, des amis sur Facebook, des lecteurs sur son blog, des contributeurs sur son Wiki préféré, est un processus qui nécessite à la fois du temps et des compétences sociales.

Pourquoi bâtir ce réseau  ?

Parce que c’est sur cette voie que s’engagent de plus en plus de professionnels. Mais aussi parce que le capital social permet aux élèves issus des milieux socioéconomiques défavorisés de surmonter les difficultés inhérentes à leur origine [PDF]. Une école qui permet à des jeunes de tous horizons de développer leur capital social est une école de la mobilité sociale.

Sous couvercle lisse d’un acronyme commun, les TIC représentent des réalités pédagogiques bien différentes. Choisir quel outil correspond le mieux, à la fois au contenu qu’on veut transmettre, et à sa philosophie éducative personnelle, est le principal défi pour l’enseignant/e, un défi parfois écrasant. Ceci est sans doute une des causes de la crise actuelle du métier d’enseignant.  C’est également ce qui en fait un métier passionnant car en pleine réinvention : tirer profit de la diversité des outils technologiques pour questionner et guider ses pratiques pédagogiques est  la meilleure façon de faire naître l’école de demain.


Photos tirées de l’album Schools de Ubiquity_zh (CC-by-nc) via Flickr

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http://owni.fr/2012/02/14/education-interro-surprise-sur-vos-portables/feed/ 13
Enseignement en Europe: à chacun son rythme http://owni.fr/2011/07/09/enseignement-en-europe-a-chacun-son-rythme/ http://owni.fr/2011/07/09/enseignement-en-europe-a-chacun-son-rythme/#comments Sat, 09 Jul 2011 15:15:20 +0000 F. Tixier, F. Therin et C. Cornet http://owni.fr/?p=72948 Le rapport a été rendu lundi au Ministre de l’Éducation nationale. Bilan d’une année de réflexion, les propositions du comité de pilotage sur les rythmes scolaires se veulent globalement plus respectueuses des enfants et des adolescents, ce que les enseignants et le monde médical approuvent.

Visant une meilleure répartition de la charge de travail pour les enfants, ses conclusions préconisent d’abandonner la semaine de 4 jours et de raccourcir les vacances d’été au profit des petites vacances. Ce qui ressort également est l’instauration d’un “bloc” plus cohérent du CP à la cinquième, avec pour objectif de faciliter l’adaptation des élèves à l’entrée au collège.

1 – Changement de rythme

La mesure principale qui ressort du rapport est la fin de la semaine de quatre jours, instaurée dans les écoles primaires avec la réforme de 2008. Elle se révèle être un échec cuisant car en inadéquation totale avec le rythme des enfants. Les élèves de primaire vont de nouveau passer à une semaine de 4 jours et demi, soit neuf demies journées de cours, avec une plage horaire supplémentaire le mercredi ou le samedi, suivant les écoles.

Le nombre de jours d’enseignement passera ainsi de 144 à 190 pour les classes du CP au CM2. Le volume hebdomadaire d’heures d’enseignement serait quant à lui réduit d’une heure (23 heures) pour les élèves jusqu’à la deuxième année de collège.

2 – Réorganisation de la journée

Conséquence directe de la fin de la semaine de quatre jours, l’égalisation des rythmes entre l’école primaire et le collège. Le comité de pilotage propose en outre un temps d’apprentissage journalier réduit (4 heures pour les CP/CE1, 5 heures pour le reste de la primaire et 6 heures en 6ème et en 5ème) sur une plage horaire commune de 8h30 à 17h00 du CP à la 5ème, avec pour but de faciliter la transition avec le collège.

L’accompagnement des élèves (heures de soutien) serait également généralisé, quel que soit le niveau de l’enfant. Côté pratique, la pause déjeuner ne devrait pas être inférieure à 1h30 pour les primaires et les collèges.

3 – Vacances scolaires

Grande révolution introduite par le comité, la réduction des sacro-saintes vacances estivales. Le projet est de les réduire de 15 jours et de mettre en place 3 zones, comme pour les petites vacances, avec une période commune du 13 juillet au 16 août. Le but est de construire une année plus régulière en passant de 36 à 38 semaines de cours entrecoupées toutes les 7 à 8 semaines de 15 jours de vacances (4 périodes sur l’année). Cette réduction des vacances d’été figure déjà dans le projet présidentiel du PS.

À l’Éducation Nationale, on assure que “ce rapport et ses pistes vont servir de base“. Le Ministre a indiqué qu’il allait prendre les remarques en considération en ouvrant une discussion avec les enseignants, les collectivités et les professionnels du tourisme avant de légiférer sur la question. Cela a beau être les vacances, les écoliers n’en ont pas fini avec les classes…

Les Pays-Bas, bon élève

Aux Pays-Bas, pays où le nombre d’heures d’enseignement est le plus élevé chez les 7-11 ans, on ne rigole pas avec l’école. Dès le premier jour du mois suivant son 5ème anniversaire, chaque petit Néerlandais est tenu d’aller en classe à plein temps. Dans les faits, la quasi totalité des enfants sont déjà scolarisés dès 4 ans (99%). Jusqu’à leur 16 ans, ils ont pour obligation d’aller à l’école 200 jours par an, d’août à juin, cinq jours par semaine avec généralement le mercredi après-midi de libre.

Cette rigueur semble porter ses fruits puisqu’au dernier classement PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des étudiants) qui mesure les compétences acquises par les élèves en lecture, mathématiques et sciences, les Pays-Bas arrivent en deuxième position des pays européens.

Harmonisation des systèmes allemands

En Allemagne, les vacances sont bien différentes de celles qui existent en France, dans la mesure où chaque Land dispose ainsi de son propre calendrier. Il y a ainsi 16 zones différentes. De manière générale, les enfants sont en congé une semaine pendant l’hiver (l’équivalent de notre février), 10 jours à Pâques, une dizaine de jours en juin, deux semaines en été, une semaine en octobre et une semaine à Noël. Ces vacances assez “réduites” sont dues au fait que l’école se termine souvent en tout début d’après midi.

Le modèle est toutefois critiqué, non sur le calendrier des vacances, mais plutôt sur le système des lycées où les étudiants sont séparés en 3 niveaux différents en fonction de leurs résultats avec une sélection dès l’âge de 11 ans. Cela ne permet pas aux enfants en difficultés d’échapper à un écrémage pas toujours représentatif, et il est en plus très difficile de passer d’une école modeste aux “lycées d’élites”, les Gymnasium.

Ce système a permis d’alimenter une filière d’apprentissage très efficace, mais ne favorise en rien l’ascension sociale. Aujourd’hui encore, le lycée (Gymnasium) est la voie des futurs universitaires et ingénieurs, la Realschule, celle des techniciens supérieurs et la Hauptschule, celle des ouvriers, qualifiés ou non.

L’étude PISA publiée en 2001 avait classé l’Allemagne en 21ème position sur 31 pays analysés, créant une polémique dans le pays. Le Chancelier Schröder présenta ainsi l’année suivante un plan de 4,3 milliards d’euros destiné à permettre le passage à l’école à plein temps.

En 2003, les Länder et le gouvernement fédéral ont aussi créé un Institut pour le développement de la qualité dans le système éducatif (IQB). Celui-ci a défini pour la première fois de vrais standards nationaux en mathématiques, allemand et langues étrangères.

Enfin, chaque Land a commencé à réformer son propre système, en fonction de ses moyens financiers. À Berlin, les maternelles ont été dotées d’un vrai programme éducatif et les écoles primaires se transforment peu à peu en école à plein temps. Les cours de langues étrangères débutent dès le CM1 et depuis 2007, tous les lycéens passent le même baccalauréat. Au dernier classement PISA, l’Allemagne était remontée à la 16ème place, juste en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE.

La très studieuse Italie

Pour les élèves italiens l’arrivée de l’été est la première réelle occasion de souffler un peu ! Si l’Italie détient le record européen pour la longueur des vacances estivales qui atteignent 14 semaines, les élèves italiens de l’élémentaire sont aussi ceux qui restent assis sur les bancs de l’école le plus longtemps et à un rythme très soutenu pendant toute l’année.

Pas de Toussaint, pas de vacances de février, mis à part deux jours pour le Carnaval, et pas de vacances de Pâques !

Les jeunes Italiens des écoles primaires et élémentaires restent en moyenne pendant 973,5 heures par an à l’école, réparties sur un total de plus de 200 jours. En Italie plus qu’ailleurs, l’été est donc véritablement synonyme de liberté pour les petites têtes blondes.

Dérégulation prévue du système anglais

En Angleterre, l’année scolaire s’étend sur 190 jours, de septembre à juin, avec cinq journées par semaine de 9h00 à 16h00 environ, selon les matières. Le samedi, certaines matières optionnelles, comme notamment le sport, peuvent avoir lieu. Chaque établissement est par ailleurs libre d’organiser la journée à sa convenance.
Mais le nouveau gouvernement veut aller encore plus loin et prépare d’importantes réformes. Il encourage tout d’abord les écoles à sortir du système public pour pouvoir décider, dans une certaine mesure, elles-mêmes du contenu des cours, des horaires et des matières tant qu’elles enseignent au moins 190 jours par an. Une sorte de dérégularisation du système scolaire.
Le ministre de l’Éducation Michael Gove veut également modifier totalement les heures de cours du système général : de 7h30 à 17h30 chaque jour de la semaine avec toujours la possibilité d’ouverture le samedi matin pour les options.Il projette aussi ajouter deux semaines de cours à chaque trimestre, soit un total de 40 semaines de cours par an. Les plus jeunes auraient donc une année cumulée de cours de plus tous les cinq ans.
Les professeurs s’opposent majoritairement à cette mesure : ils travaillent déjà beaucoup chaque semaine et estiment qu’une telle surcharge de cours mettrait le niveau de leur cours en péril. Quantité ne signifie pas qualité. Ils rappellent également que les écoles sont souvent utilisées après la classe pour des activités annexes qui ne pourraient pas être repoussées à plus tard. Par ailleurs, le soleil se couchant tôt en hiver, les parents d’élèves s’inquiètent pour la sécurité de leurs enfants, qui rentreraient en pleine nuit.

Billet initialement publié sur MyEurop

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Ninha Morandini

]]> http://owni.fr/2011/07/09/enseignement-en-europe-a-chacun-son-rythme/feed/ 2 Apprendre est un état d’esprit http://owni.fr/2011/02/07/apprendre-est-un-etat-d%e2%80%99esprit/ http://owni.fr/2011/02/07/apprendre-est-un-etat-d%e2%80%99esprit/#comments Mon, 07 Feb 2011 08:04:19 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=44962 Quelle nouvelle chose avez-vous apprise dernièrement ? Une langue, un sujet particulier, une compétence physique, artistique ?

D’où l’impulsion vous est-elle venue ? Souci d’arrondir votre pratique professionnelle ? Volonté de développer une nouvelle facette de votre personnalité ?

Une fois l’apprentissage commencé, l’envie est-elle restée ? Avez-vous continué malgré les difficultés -inévitables dans la maîtrise d’une compétence-, ou avez-vous abandonné ?

Pourquoi ?

Ces questions restent non seulement pertinentes, mais sont essentielles, lorsqu’on réfléchit à la maîtrise de compétences dispensées par l’école : comment motiver les élèves ? Comment leur donner, et leur faire conserver l’envie d’apprendre –une question au cœur de la prévention du décrochage scolaire ?

Dans l’article publié par l’OCDE Motivation et émotion : deux piliers de l’apprentissage en classe [pdf], Monique Boekaerts, de l’université de Leyde, lie directement la motivation de l’apprenant à ses émotions : la motivation d’un apprenant à mener à bien une tâche dépend des émotions qu’il associe à la matière. Avoir une affinité naturelle pour le sujet est important, mais ce n’est qu’un point de départ : à cela s’ajoute la perception que l’élève élabore de ses échecs et de ses réussites dans cette matière, tout au long de sa scolarité. Et cette perception, il ne l’élabore pas seul : ses enseignants successifs y contribuent également.
La recherche montre qu’un élève qui a tendance à expliquer un échec par une cause externe -« J’ai raté parce qu’il faisait trop chaud », « On n’avait pas assez de temps » « Je n’avais pas assez travaillé »-  est plus susceptible de se remettre de cet échec qu’un élève qui lui impute une cause interne -« J’ai raté parce que je ne comprends pas, parce que je ne suis pas bon. »
Fait intéressant : la recherche montre que l’attribution causale interne est dommageable également lorsqu’il s’agit d’expliquer une réussite [en].

« Le point crucial ne réside pas dans la capacité, mais dans la façon dont vous appréhendez cette capacité »

Carol Dweck [en], professeure de psychologie à l’université de Standford, travaille depuis plusieurs décennies à mettre à jour les caractéristiques mentales associées à l’échec et à la réussite en apprentissage ; ses recherches l’ont amenée à dégager deux types de « mentalité » (« mindset ») selon lesquelles nous interprétons nos capacités : une mentalité fixe (« fixed mindset ») et une mentalité perfectible (« growth mindset ») [en] : « La recherche montre que le point crucial ne réside pas dans la capacité, mais dans la façon dont vous appréhendez cette capacité (…) »

Si vous la voyez comme quelque chose d’inhérent, un « don » (fixed mindset), vous aurez alors tendance à moins y travailler – l’effort, c’est bon pour les gens qui ne sont pas doués ! De là, si vos performances commencent à baisser, vous aurez tendance à ignorer vos erreurs, car à la lumière de cette mentalité, elles menacent non ce que vous faites, mais ce que vous êtes. Pour un élève, une « mentalité fixe » se traduira par l’abandon aux premiers échecs, ainsi qu’une propension à plus tricher aux examens.

Si par contre vous envisagez vos capacités comme quelque chose qui peut être développé (growth mindset ), échouer n’est pas ressenti comme une menace envers votre identité : l’échec est une information qui vous permet de mieux développer des stratégies de réussite.

Dans un article de 1975, qui reste le plus cité de la psychologie contemporaine, Dweck décrit l’expérience [pdf, en] qu’elle a menée dans une classe de primaire, auprès d’élèves présentant une mentalité fixe :  « S’ils tombaient sur une série de problèmes de math qu’ils ne pouvaient résoudre, ils ne pouvaient plus non plus résoudre des problèmes qu’ils avaient résolus auparavant, et ce pendant des jours. À travers une série d’exercices, les expérimentateurs entraînèrent la moitié de ces élèves à attribuer leurs échecs à des efforts insuffisants –et à réussir. Le groupe contrôle, quant à lui, ne montra aucune amélioration. (…) Ces résultats, dit Dweck, appuient totalement l’idée que les attributions (causales) sont une composante-clé de la maîtrise d’une compétence.” » (traduction de l’auteur)

Une des plus émouvantes expériences de l’histoire de l’éducation

À la lumière de ce modèle psychologique, j’ai revisité une expérience qui reste pour moi une des plus émouvantes de l’histoire de l’éducation : celle de Jane Elliott [en]. Au lendemain de l’assassinat de Martin Luther King, Elliott, enseignante d’une petite ville blanche de l’Iowa, décide de donner à ses élèves une leçon de tolérance. Mais comme la tolérance n’est pas une leçon à apprendre, mais un état à ressentir, Elliott décide de faire ressentir à ces enfants blancs ce que c’est d’être catégorisé a priori en fonction d’une caractéristique physique à laquelle vous ne pouvez rien : elle divise sa classe en « yeux bleus » et « yeux marron ». Elle explique à ses jeunes élèves (8-9 ans) qu’on allait jouer au jeu de la discrimination, et qu’aujourd’hui, on allait discriminer les yeux marron : les yeux marron, c’était prouvé, n’étaient pas très intelligents. Et de fait, durant toute la journée, Elliott met en avant, à chaque occasion, les fautes que font les « yeux marron», elle insiste sur leur rôle dans les disputes, si infimes soient-elles. En moins d’une heure, ce qui était au départ une classe harmonieuse se transforma en un microcosme raciste ; les « yeux bleus » affichant tous les indices de la discrimination : arrogance, moqueries, insultes envers leurs amis d’hier.
Le lendemain, Elliott poursuivit l’expérience en inversant les rôles : tout se répéta, cette fois-ci aux dépens des « yeux bleus ». Et finalement, l’enseignante termina l’expérience en revenant, avec sa classe, sur ce que chacun avait éprouvé lorsqu’ils étaient l’objet de la discrimination ; tous exprimèrent, dans leurs mots et leurs gestes, l’intense désarroi ressenti. Cette expérience imprima en eux une réaction viscérale durable contre toute forme de ségrégation.

Durant l’expérience, Elliott remarqua également un changement totalement inattendu : les performances scolaires du groupe discriminé s’effondrèrent.

Si l’on regarde cette expérience selon l’angle « fixed vs growth mindset », Elliot instille clairement chez ses « discriminés » une  mentalité fixe  vis-à-vis d’eux-mêmes (En ce qui concerne le groupe « valorisé », les choses sont moins claires : de manière intéressante, Elliott se focalise sur la dévalorisation d’un groupe et ne valorise donc qu’indirectement la supériorité intrinsèque de l’autre groupe).

Le plus court chemin vers l’égalité des chances

La leçon de tolérance d’Elliott montre –tout-à-fait incidemment- à quel point l’attitude de l’enseignant vis-à-vis d’un élève peut influer sur les performances scolaires, indépendamment de la qualité du contenu enseigné, puisqu’ici, l’enseignante était la même.
Et au-delà des performances, l’attitude de l’enseignant  pèse sur la vision qu’un élève aura de lui-même et sur la lecture qu’il fera du monde.
Dans le quotidien scolaire, cela s’opère en touches subtiles et sans doute largement inconscientes ; le prof choisira-t-il de dire : « Excellente note, tu es vraiment douée ! » ou « Tu as dû vraiment bien travailler ton sujet ! » ? Choisira-t-il de valoriser la performance pure –celle que la note d’interrogation retient exclusivement – ou l’effort envers et contre tout, l’acharnement malgré les déceptions, la recherche de nouvelles stratégies, le fait de choisir volontairement des tâches difficiles, le fait de s’améliorer ?

Nos réflexions trahissent nos valeurs. Et nos valeurs ne nous sont pas forcément conscientes. Pourtant, ces valeurs laisseront une trace tangible sur ceux que nous éduquons.

Plus nous avancerons dans l’intégration des technologies à l’école, et plus le rôle d’enseignant glissera de celui de transmetteur de savoir à celui de facilitateur. Internet donne accès à tout le savoir du monde, mais pour le reste… S’assurer que l’apprenant possède une vision perfectible de soi,  un « growth mindset », devrait faire partie du mandat de l’école ; dans une économie de la connaissance, cela est certainement le plus court chemin vers l’égalité des chances.

Images CC Flickr SweetGirl81 Rishi Menon aaron schmidt

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Promouvoir le logiciel libre dès la maternelle http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/ http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/#comments Thu, 20 Jan 2011 12:30:29 +0000 Simon Descarpentries (Framablog) http://owni.fr/?p=43139 Il y a quelques temps nous recevions une question fort pertinente via le formulaire de contact du Framablog. Une question du genre de celles dont on n’improvise pas la réponse dans la foulée, et il arrive alors que les réponses se fassent attendre un moment. Toutefois, les réponses une fois construites peuvent valoir le coup d’être partagées… [1]

Le plus facile, en matière de réponses, est de demander à ceux qui savent. Et les forums sont là pour ça. Mais pour aider dans le processus, la piqûre de rappel est un instrument qui se révèle efficace, et ainsi, le jeune père d’élève dont émanait la question, croisé samedi dernier au cours de l’une des nombreuses manifestations d’opposition à la LOPPSI qui animèrent le pays, en usa avec talent…

Pour la petite histoire, c’est un candidat aux élections de parents d’élèves de son école qui posa la question et c’est entre autre à un élu que s’adresse cette réponse, avec toutes nos félicitations et nos encouragements.

La question se présentait de la manière suivante :

Bonjour
Je vais me présenter aux élections de parents d’élève pour ma fille de 3 ans, en maternelle des petits. J’ai souvent lu des articles très intéressants sur le libre à l’école dans le Framablog et je suis moi même pirate et libriste. Je me demande si vous pourriez me conseiller sur, au niveau maternelle des petits, quels sont les actions que je pourrais tenter et sensibilisations que je pourrais entreprendre au niveau de l’école et de la municipalité, depuis ce poste de représentant des parents d’élèves. […]

La réponse que nous avons à lui fournir, dans la droite lignée de la catégorie Éducation de ce blog, émane d’un directeur d’école et animateur TICE. Il l’a découpée en quatre volets que voici.

Des difficultés

À l’école, l’informatique pour les élèves ce sont les TICE (Technologie de l’Information et de la Communication à l’École) parfois appelées TUIC (« U » pour « usuelle »).

Eh bien les TICE, le matériel informatique, ne sont plus mentionnés pour le cycle maternel dans les programmes 2008 de l’Éducation Nationale. Pas interdits, mais pas mentionnés : même pas comme exemple de support d’écrit.

Le niveau de maîtrise de l’outil informatique est très inégal parmi les enseignant(e)s de maternelle.

La dotation en matériel, pour les écoles maternelles et élémentaires, est du ressort de la municipalité. Les écoles maternelles sont souvent les parents pauvres en matière d’équipement informatique : souvent un poste pour la direction d’école… et c’est tout. Les parents d’élèves peuvent apporter leur concours en trouvant du matériel de récupération.

Des aides

Une remarque préalable : les enseignant(e)s sont responsables de leur pédagogie. On peut les aider, voire les inciter, mais en aucun cas les contraindre à faire utiliser l’outil informatique par les élèves.

Le mode de fonctionnement de la plupart des classes maternelles (en ateliers à certains moments) est favorable à l’utilisation de postes, par petits groupes, parmi d’autres activités. Il est nécessaire que le matériel soit fiable, et que les logiciels soient adaptés pour permettre rapidement une autonomie des élèves à cet atelier.

Dans de nombreuses circonscriptions, il existe un animateur TICE : un enseignant partiellement détaché. Parmi ces missions, il doit apporter son concours aux enseignants désirant mettre en œuvre une pédagogie utilisant les TICE. Il serait judicieux de se rapprocher de lui.

Il existe des packs logiciels (regroupant système d’exploitation et logiciels ludo-éducatifs) très bien conçus, et utilisables dès la maternelle à l’école ou à la maison. Ils se présentent sous forme de live-CD (on fait démarrer la machine sur le lecteur de cédérom) et on est assuré que les données contenues sur le disque dur ne risquent rien. Pratique pour l’ordinateur familial. On peut aussi les copier sur une clé USB, et la rendre amorçable [2]. On peut enfin les copier sur le disque dur à la place du système d’exploitation déjà existant (intéressant dans le cas d’une vieille machine un peu à bout de souffle).

Des réalisations très intéressantes

Il existe aussi la version monoposte d’AbulEdu (notice Framasoft), l’excellent FramaDVD École (page projet) et enfin de très nombreuses applications pédagogiques libres fonctionnant sous Windows.

Une remarque pour finir

Il me semble très maladroit de se présenter comme «  pirate et libriste ». Ça ne peut que renforcer la confusion dans l’esprit de certains, qui assimilent les deux termes. Ça ne peut que rendre plus difficile votre démarche d’aide aux équipes enseignantes.

Soyons clairs : le piratage à l’école… on n’en veut pas.

Pour des raisons éthiques : nous avons une mission d’éducation civique et morale. Tricher, voler, utiliser des logiciels piratés est en contradiction totale avec une démarche éducative.

Item 2.3 du Brevet Informatique et Internet (B2i)
Si je souhaite récupérer un document, je vérifie que j’ai le droit de l’utiliser et à quelles conditions.

Pour des raisons militantes : on sait bien que les pirates de logiciels font le jeu des maisons d’édition en renforçant la présence de leurs produits, en les rendant plus utilisés, donc plus désirables.

Soyons fiers des logiciels libres !

Article initialement publié sur Framablog.com

Crédits photo Flickr CC : Stéfan / _O2_ / harry.f

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Lettre à Laurence http://owni.fr/2010/11/14/lettre-a-laurence/ http://owni.fr/2010/11/14/lettre-a-laurence/#comments Sun, 14 Nov 2010 16:12:20 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=31545 Elle s’appelle Laurence. Comme 16 000 autres enseignants, elle est la génération “master”. Elle s’est retrouvée en septembre devant une classe pour faire cours. Et elle n’y est pas arrivé. On ne le lui avait tout simplement pas appris. Depuis elle est sous anxiolytiques. Des histoires comme celle de Laurence, des histoires de jeunes profs en dépression après quelques semaines d’enseignement, il y en avait déjà plein, bien avant la réforme de la masterisation. Et puis, il n’y a pas que des Laurence dans la vie. Il y a aussi des Claire, Claire qui n’est pas tombée dans un lycée difficile, qui n’est pas en face d’enfants difficiles, qui, pour différentes raisons, a peut être plus de facilités que Laurence avec la gestion d’un groupe, avec la discipline, avec le rapport aux autres. Bien sûr qu’enseigner est un métier qui s’apprend. Mais l’on sait également que chacun fera des choses différentes de l’enseignement reçu, en fonction de ses capacités personnelles, de son milieu social et culturel, des classes et des élèves en face desquels il finira par se retrouver. Oui mais voilà.

Laurence a reçu une lettre. Une lettre de l’inspecteur d’académie. Dans sa lettre l’inspecteur lui écrit:

Laurence, si vous ne vous sentez pas capable de faire ce métier, il faut démissionner.

C’est vrai quoi, les places sont chères, et il y a sûrement plein de Claire qui attendent un poste. Dans sa lettre l’inspecteur lui écrit aussi :

Laurence, les elèves ont le droit d’avoir devant eux des enseignants compétents.

C’est vrai quoi, surtout quand il s’agit d’élèves difficiles.

Oui mais voilà. Laurence, elle avait envie et tout aussi certainement besoin de faire ce métier. Apprendre le programme d’histoire ou de mathématiques ou de français, ça Laurence y est très bien arrivée. C’est une partie du métier qu’elle avait choisi. Mais apprendre comment on fait passer un programme d’histoire, de mathématiques ou de français à une classe de 32 élèves de 13 ou 14 ans, ça, on ne le lui apprend plus à Laurence. On la met devant les élèves, on lui colle un “tuteur” enseignant  – qui n’est souvent même pas dans le même lycée ou collège qu’elle – et on lui dit débrouille-toi Laurence.

Messieurs.

–Monsieur l’inspecteur d’académie dont je ne connais pas le nom,
–Monsieur Luc Châtel, ministre du management national et de l’éradication nationale des psychologues scolaires**,
–Monsieur Xavier Darcos, ancien ministre de l’éradication nationale de la formation des enseignants,

Vous avez tous les trois des métiers qui doivent certains jours vous paraître aussi difficiles que celui de Laurence. J’ignore si vous êtes ou si vous avez été sous anxiolytique. Que vous portiez tous les trois l’écrasante responsabilité de l’effondrement programmé d’un système, celui de l’instruction publique, passe encore. Que vous ou votre mentor, vous réclamiez régulièrement de l’héritage de Jaurès ou de Jules Ferry, passe encore. Vous pouvez “jouir pleinement de la supériorité reconnue que les chiens vivants ont sur les lions morts” (Jean-Paul Sartre). Après tout, vous êtes nommés ministres ou inspecteur, vous êtes convaincus que le secteur privé peut assurer des missions qui incombaient jusqu’ici aux services publics, dans l’éducation comme ailleurs, et vous mettez en oeuvre le programme permettant de faire aboutir vos idées. Donc acte. “C’est le jeu”. Mais la lettre que vous venez tous les trois d’envoyer à Laurence signe la fin de la partie.

Avec cette lettre cesse le jeu et commence l’indéfendable. Supprimer la formation des maîtres, placer ces nouveaux maîtres “dans des classes”, attendre que certains d’entre eux s’effondrent, et leur signifier par courier hiérarchique que “les élèves ont le droit d’avoir devant eux des enseignants compétents” et que le cas échéant ils feraient mieux “de démissionner”, est une stratégie managériale ayant effectivement déjà fait ses preuves, et dont l’avantage est de révéler à ceux qui l’ignoreraient encore l’étymologie du mot “cynisme”. Comme des chiens. Vous avez, “messieurs qu’on nomme grands”, merveilleusement contribué à l’enrichissement de l’horizon sémantique du cynisme : ce qui était au départ le seul mépris des convenances sociales, désignera désormais également le total et absolu mépris de l’humain.

Un nouveau cynisme dont l’alpha et l’oméga est constitué de la seule doctrine managériale. Une machinerie implacable, chez France Télécom comme dans l’éducation nationale désormais, qui fabrique des Laurence dans le seul but de les broyer, pour s’économiser l’annonce d’un énième plan social, pour accélérer encore un peu le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Vous avez, messieurs, parfaitement raison sur un point : les élèves ont le droit d’avoir devant eux des enseignants compétents. Mais vous avez patiemment, minutieusement, laborieusement transformé l’école de la république en un immense tube digestif. Une machine à bouffer de l’humain.

D’un tube digestif il ne peut sortir que de la merde. C’est pas du management, c’est de la biologie.

J’ai souvenir d’une école de la république d’où sortaient des citoyens.

Article initialement publié sur Affordance.info

Illustration CC FlickR par …::: Antman :::…

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Education sans émotion n’est que ruine… http://owni.fr/2010/11/10/education-sans-emotion-nest-que-ruine/ http://owni.fr/2010/11/10/education-sans-emotion-nest-que-ruine/#comments Wed, 10 Nov 2010 12:01:30 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=34585 Il y a quelques semaines, OWNI publiait la « Lettre à Laurence », retraçant le parcours d’une nouvelle enseignante arrêtée pour dépression. Une voix intéressante au milieu des turbulences du moment – intéressante parce qu’elle exprime, non des revendications, mais avant tout des émotions.

Situons brièvement les faits : en France, depuis la réforme du master, les futurs enseignants se voient enseigner exclusivement leur matière, et ce jusqu’à l’obtention du CAPES. À l’issue de quoi ils deviennent profs stagiaires ; ils se retrouvent alors seuls face à de vrais élèves, et doivent, par tâtonnements, découvrir le jeu subtil de la dynamique de classe, trouver leur place au sein de cette dynamique, et maîtriser le tout suffisamment pour être à même de susciter l’intérêt des élèves pour leur matière.
Ne pas y arriver est le constat (tardif) que vous n’êtes pas fait pour l’enseignement. Comme le rapporte Olivier Ertzscheid : « Laurence a reçu une lettre. Une lettre de l’inspecteur d’académie. Dans sa lettre l’inspecteur lui écrit :

“Laurence, si vous ne vous sentez pas capable de faire ce métier, il faut démissionner.” »

Cruelle gestion des ressources humaines que cette façon de « préparer » les enseignants à leur métier en toute abstraction des élèves, puis de laisser à la nature le soin de faire le tri final.
Étrange gestion des ressources humaines, aussi : en focalisant les études de prof, non sur la relation avec l’apprenant, mais sur la matière à enseigner, on attire des étudiants dont le profil n’est pas adapté à la réalité de l’enseignement.

Des grands-mères pour faciliter l’apprentissage

La première compétence à développer pour devenir un bon enseignant est l’intelligence émotionnelle. L’expérience Hole in the Wall le montre clairement avec son « granny cloud ». Dans cette expérience, les enfants des bidonvilles indiens sont mis sans supervision devant un ordinateur afin de voir s’ils peuvent apprendre seuls. L’expérience est un succès, mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les performances des enfants font un bond lorsqu’on leur adjoint des « grand-mères » qui ne connaissent rien au contenu d’apprentissage, et qui sont simplement là pour les encourager et les valoriser dans leur quête de connaissances.
Parallèlement, la recherche montre que lorsque quelqu’un est stressé, ce stress court-circuite ses capacités cognitives : Daniel Goleman explique, dans son ouvrage Emotional Intelligence : « Le cortex préfrontal est la région du cerveau responsable de la mémoire de travail. Mais les circuits allant du cerveau limbique aux lobes préfrontaux font que les signaux provoqués par de fortes émotions –telles l’anxiété et la colère- peuvent saboter la capacité du lobe préfrontal à maintenir la mémoire de travail. C’est pourquoi, lorsque nous sommes affectés émotionnellement, nous avons l’impression de ne plus pouvoir “penser correctement” -et c’est aussi pourquoi une détresse émotionnelle continuelle peut provoquer un déficit intellectuel chez l’enfant, affectant sa capacité à apprendre. » (Daniel Goleman, Emotional Intelligence, why it can matter more than IQ, Editions Gantham Trade Paperback, 1995, page 27 –ma traduction)

Or c’est là que le bât blesse : de façon systématique –sinon consciente, l’institution scolaire tend à ignorer la dimension émotionnelle, comme ciment constitutif de l’expérience d’apprentissage.

Un pur produit de l’éducation nationale

« Je suis pas fière d’être française ! » Cette réflexion d’Esmeralda, une ado maghrebine, est tirée du film Entre les murs, de Laurent Cantet. Dans une classe multiethnique, un jeune Réunionnais présente son autoportrait à la classe de français : « Je suis français… », commence-t-il, avant d’être interrompu par Esmeralda qui ne comprend pas qu’on puisse être à la fois réunionnais et français. Après un échange assez vif, elle conclut : « En tout cas, moi, je suis pas fière d’être française !»
Cette remarque, plaie vive dévoilée aux autres, était l’occasion rêvée pour le prof de faire réfléchir cette classe multiethnique à ce que c’est pour eux qu’être fançais ; leur donner à voir que, s’ils ont la nationalité française, ils sont de facto partie-prenante dans la constitution de l’identité française. Soyons fou : cela aurait même pu déboucher sur un exercice de démocratie pratique, où les jeunes auraient ultimement posté leurs réflexions sur le site du débat sur l’identité nationale.

Mais l’enseignant balaye la remarque comme s’il s’agissait d’une provocation sans profondeur. Le prof Marin/Bégaudeau est un pur produit de l’éducation nationale, aussi peu entraîné à entendre l’émotion chez ses élèves, que l’inspecteur de l’éducation nationale de la “Lettre à Laurence” n’est capable d’intelligence émotionnelle vis à vis de l’enseignante.

« Conscious schooling » ?

Dans son ouvrage Conscious business – How to build value through values, (Business et conscience : comment créer de la valeur grâce aux valeurs –ma traduction), Fred Kofman, lauréat du MIT Teacher of the Year Award, établit un cadre théorique permettant d’évaluer toute organisation selon trois dimensions :

Le « ça » – qu’est-ce qu’on fait dans l’organisation ? (les missions de l’organisation, et leurs déclinaisons concrètes sur le terrain)
Le « nous » – comment nous sentons-nous lorsque nous le faisons ?
Le « moi » – qu’est-ce que j’en tire ? Comment puis-je me réaliser et me dépasser dans cette organisation ?

Il note que les entreprises les meilleures abordent ces trois points consciemment et volontairement.

Je pense qu’il est crucial d’envisager l’institution scolaire dans ces termes-là.

Le « ça » de l’école, ses missions, sont énoncées plus ou moins clairement dans des textes officiels –les connaissez-vous ? Enseignants, les présentez-vous à vos élèves ?
Elles sont importantes : elles permettent de savoir « pourquoi on pédale ».
Sur le terrain, il est facile de perdre ces missions de vue sous la charge lourde du quotidien scolaire ; il est parfois aussi difficile de voir comment elles s’actualisent à travers un programme scolaire, un type d’examen ou un style pédagogique.
Le projet de la Royal Society of Arts, Opening Minds, développé par nos voisins britanniques, a justement pour vocation de réduire la fracture ressentie entre cursus scolaire et missions de l’école :
« Opening Minds (est) un cadre large permettant aux écoles de présenter le contenu du cursus scolaire national de manière créative et flexible, afin que les jeunes quittent l’école avec la capacité de s’épanouir dans le monde réel, et de le marquer de leur empreinte.
(…) Ce cadre est basé sur cinq types de compétences : la citoyenneté, l’apprentissage, la gestion de l’information, la capacité à gérer les situations, et la relation aux autres.
» (ma traduction)
Une école qui a pour ambition d’apprendre à ses élèves à penser doit présenter, et faire réfléchir ses membres (élèves et personnel éducatif confondus) sur les buts ultimes poursuivis par l’institution scolaire.

Un univers où des individus vivent ensemble

Le « nous » est le grand absent de toute réflexion menée autour de l’école : dans les discours officiels, dans les articles de journaux, le « nous » n’existe pas ; il y a des enseignants d’une part, avec leurs problèmes d’enseignants, et de l’autre il y a des élèves avec leurs problèmes d’élèves. Or ces deux groupes que, dans le meilleurs des cas, on s’efforce de décrire comme des entités discrètes (et dans le pire, comme des opposants), doivent vivre plus de la moitié de leur vie éveillée ensemble. Dans cet univers comme dans tout groupe social, le niveau de satisfaction ou de souffrance d’une personne est pour une large part dépendant du niveau de satisfaction ou de souffrance des autres -indifféremment du fait que l’on soit enseignant ou élève. Certes le niveau de bien-être individuel peut avoir différentes origines, mais ultimement, il devra être assumé par la communauté scolaire dans sa globalité.
Il est vital d’envisager l’école comme un univers où des individus (et non pas des enseignants et des élèves) vivent ensemble.

Un récent article du Scientific American décrit une recherche de Anita Woolley et al., dans laquelle les auteurs cherchent à comprendre ce qui permet de prédire le niveau de performance d’un groupe : « Les chercheurs ont trouvé que l’intelligence de chacun des membres du groupe n’était pas un bon prédicateur du niveau de performance d’un groupe. Les équipes les plus performantes étaient celles (dont les) membres interagissaient bien, parlaient à tour de rôle (…). »
La capacité cognitive d’un groupe est directement liée à la capacité de ses membres à bien s’entendre.
Concrètement, en matière d’évolution de la structure scolaire, cela implique d’intégrer des moyens de médiation entre les différents acteurs scolaires, lorsque les conflits éclatent. Je ne parle pas ici de sanctions, mais de gestion des relations au jour le jour, dans le but de rééquilibrer le moindre début de dynamique nocive. Cultiver l’intelligence émotionnelle apparaît comme un incontournable, que ce soit dans la formation des futurs enseignants, que dans le cursus scolaire des élèves.

Le « moi » correspond à la partie la plus personnelle et individuelle de l’expérience scolaire. La question qui caractérise cette dimension est cruciale – qu’est-ce que j’en tire ? Comment puis-je me réaliser et me dépasser dans cette organisation ?
Comment moi, en tant que personne, puis-je intégrer mes aspirations personnelles dans l’exercice de mon métier d’enseignant ?
Réfléchir à l’enseignement selon ces termes permet une articulation consciente de ses propres valeurs à l’acte d’enseignement.

L’excellence professionnelle par l’épanouissement personnel

Notons qu’ici, l’enjeu est différent selon qu’on est enseignant ou élève : l’enseignant a fait le choix de devenir enseignant, de persévérer dans ce métier ; l’élève ne choisit pas d’être élève. L’enseignant a la liberté de quitter l’institution s’il ne se réalise pas dans ce cadre –l’élève n’a pas cette option.
Cette absence d’alternative, chez l’élève est selon moi au cœur du problème de cyberintimidation des enseignants par leurs élèves. Insultes en ligne, groupes haineux sur Facebook, vidéos de profs qui « pètent le plombs » –les exemples d’attaques d’enseignants sur Internet ne manquent pas (un exemple commenté ici ). Beaucoup s’accordent à penser que la cyberintimidation est un problème d’éducation aux médias. Limiter le problème à cela, c’est évacuer la dimension émotionnelle et personnelle dans la relation prof/élève, et ne pas prendre en considération le peu de moyens institutionnels donnés à l’élève pour résoudre pacifiquement les tensions interpersonnelles à l’école –surtout lorsqu’elles impliquent un enseignant.

Le cadre théorique ça/nous/moi que je viens d’appliquer à l’institution scolaire, nous vient du monde des affaires. Abandonnant aux années 1900 la vision fordiste de la division du travail pour la maximisation du profit, le 21e siècle est en train de développer un modèle de travail collaboratif promouvant l’excellence professionnelle par l’épanouissement personnel. Ce modèle est un succès économique : il contient en soi sa propre motivation.

L’école –dont une des missions est de préparer les jeunes à prendre leur place dans le monde du travail- doit gagner en intelligence émotionnelle, sous peine de formater les élèves à un monde qui n’existe déjà plus.

Images CC Flickr State Records NSW, cliff1066™ et  St Boniface’s Catholic College

Image CC Marion Boucharlat pour OWNI

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