OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [itw] Emmanuel Torregano : “La musique est un marché plus vaste qu’on ne le croit” http://owni.fr/2010/02/11/itw-emmanuel-torregano-la-musique-est-un-marche-plus-vaste-quon-ne-le-croit/ http://owni.fr/2010/02/11/itw-emmanuel-torregano-la-musique-est-un-marche-plus-vaste-quon-ne-le-croit/#comments Thu, 11 Feb 2010 11:42:18 +0000 Babgi (sawndblog) http://owni.fr/?p=7977 Emmanuel Torregano est le fondateur de ElectronLibre, le site qui est à l’origine d’un certain nombre de scoop, principalement dans le domaine d’internet et des nouveaux médias. Nous avons tenu à avoir son témoignage dans Sawnd, bien que son activité soit un peu éloignée de celle du monde de la musique, d’une part en raison de son point de vue original sur l’industrie, mais aussi parce qu’il a été au coeur de la polémique lié aux récentes évolutions du management de Deezer.
Emmanuel est de formation “philosophie”, et il a longtemps été journaliste à la section Media au Figaro Economie. Sa capacité à accéder à des informations privilégiées et sa compréhension du monde de l’économie l’on finalement poussé à voler de ses propres ailes et à fonder Electron Libre en février 2008.

Commençons d’abord par cette histoire de Deezer : le 21 janvier, tu révèles que le CEO, Jonathan Benassaya, est en passe de se faire débarquer et que la société pourrait être mise en vente. Jonathan n’a pas été débarqué, mais un nouveau CEO a effectivement été nommé. Scoop ou Flop ?


Scoop, à l’exception près que l’info était aussi dans la tribune du jour, ce que j’ignorais, je n’y suis pas abonné, et il n’y avait rien non plus sur [GoogleNews]. Ce que j’ai publié était exact à l’heure où je l’ai publié. J’ai ensuite acquis la certitude que le scenario écrit par les actionnaires de la société et que j’avais publié (dans les papiers qui ont suivi lors du Week end du Midem) a subitement évolué lorsqu’ils ont compris les dommages que cela pouvait faire si mes informations se confirmaient. J’ai effectivement été largement attaqué dans cette affaire. Pourtant, je pense n’avoir rien à me reprocher ; j’ai utilisé la même rigueur dans le traitement de mes sources que lorsque que j’étais au Figaro. Je m’amuse finalement de constater qu’une information juste, publiée sur ElectronLibre est incomparablement plus attaquée que lorsque la même information l’est dans le Figaro. Pourtant, encore une fois, la rigueur de traitement et de recoupement et totalement identique et, je le répète, mes informations étaient exactes au moment où elles ont été publiées.

Donc ton scoop, initialement juste, est devenu faux, à cause de sa publication ?

Oui, et cela a été confirmé par mes sources. L’agressivité de certains des actionnaires de Deezer à mon égard n’est qu’une confirmation de plus que j’ai tapé juste.
J’ai d’ailleurs été mis au courant du revirement de situation assez rapidement. Et je continue d’ailleurs à disposer d’informations très privilégiées sur Deezer, comme sur de plusieurs autres sociétés du secteur.

Ton regret dans cette histoire?

Je n’en ai pas beaucoup. Je regrette d’avoir été attaqué injustement. Et que certains ne comprennent pas que le métier de journaliste comporte une composante “risque”. Notre métier n’est pas d’avoir raison, mais de rendre compte de la complexité inhérente à ce genre d’affaire. Ensuite, que l’on soit pris dans le tourbillon, et d’observateur transformé en acteur, c’est un impondérable. L’information sur Internet est comme la physique quantique, observer c’est modifier l’objet de cette observation.

Passons à un autre sujet, dans quel état te semble l’industrie de la musique ?

La musique est un marché plus vaste qu’on ne le croit. Il ne faut plus seulement regarder les ventes de CD et se désoler qu’elles chutent encore et encore. Au contraire, le signe d’un marché de la musique en bonne santé, c’est le renouvellement des supports : soit la disparition du CD comme support de masse par le téléchargement, ou tout autre exploitation dématérialisée. Aujourd’hui le marché de la musique, s’étend des plateformes de téléchargement, aux sites de stream, en passant par le Web 2, ou encore les réseaux de blogs. Le triptyque : maison de disques, magasins, radio a vécu. Il est en phase terminal. La musique a un avenir plus grand, plus beau, plus fort, je serai tenté de dire…

Tu es un fin connaisseur du monde des start-ups, qu’est ce qui t’intrigue le plus en ce moment, dans celles qui sont liées au monde de la musique ?

Je vais mettre les pieds dans le plat tout de suite : les start up ont-elle une vision correcte du marché ? Pas certain. Je vois les choses ainsi, actuellement une plateforme est en train de devenir incontournable, et même pire omniprésente : iTunes. Il n’y PAS d’autre canal de vente sur le dématérialisé. C’est un fait, on peut le regretter, argumenter contre, on aura tort. iTunes a gagné. C’est simple, hier la musique réalisait du biz avec un mono-support, le CD, aujourd’hui, c’est sur une marque : iTunes. Le reste ce sont des broutilles, et souvent pas suffisamment pérennes. Bref, dans cette situation, les innovations doivent s’inscrire dans l’éco-système entretenu par Apple autour de la musique pour être viables. Ce que ne font peut-être pas assez les start up du moment. Et pourtant, il y a du champ libre… Ainsi, iTunes est centré sur un aspect des choses : l’acte d’achat. Aux start up d’investir tout le reste : CRM, marketing Web, App, management de fans, story telling, etc. Il y a la place, mais il faut bien se dire que dorénavant tout cela se fera sous l’ombrelle d’Apple. Et d’ailleurs n’y a-t-il pas un problème de concurrence ? iTunes bénéficie d’une position dominante dans plus de 20 pays. Que faire ? Attaquer ? Avec le risque de tuer la poule aux oeufs d’or ? C’est aussi l’argument qui avait été utilisé par Microsoft il y a 20 ans ! On sait ce qu’il advint depuis…

A ton sens, quelle sera l’évolution la plus spectaculaire ?

La montée en force du download, l’explosion des formats qualitatifs et la révolution de la production musicale. J’aborde ce sujet dans le livre “vive la crise du disque”. La position de l’artiste est remise en question avec internet. Il n’est plus, et ne sera plus, avant longtemps, la vache sacrée de l’industrie du disque. C’est la fin d’une histoire. Celle de l’”auteurisme”. La musique va redevenir ce qu’elle est avant tout, un média pour les émotions et les sentiments, et pas une expression de l’art pour l’art.

Dans le monde de la presse, comment vois tu les choses évoluer ?

Je vais être là aussi radical. Il y a selon moi deux problèmes. En premier lieu, les pure-players de l’information sont sous capitalisés. Et ce n’est pas bon pour l’expression de la diversité de l’information. Comprenons-nous bien : l’information est une guerre. Une vraie guerre. Elle est un instrument important du pouvoir, quel qu’il soit. Cela a commencé dans les années 70. Voir pour ça des films incroyablement lucides comme “les trois jours du condor”. A la fin du film, Redford croit avoir fait le plus dur, en donnant l’histoire à la presse, mais non… C’est très pessimiste, mais aussi forcément réaliste. Dans ce contexte, il y a un second problème : la paupérisation du métier de journaliste. Il faut bien comprendre que le journaliste gène. A moins d’être très médiatisé, d’être un symbole, une icône, mais dans ce cas, il est de lui-même neutralisé par le pouvoir, son propre pouvoir de parole.
Dans cette situation, il va falloir être très rusé, et grossir sur le réseau sans alarmer la bête ! Sans agiter les “grelots de Cyber” (attention jeu de mots).

Merci Emmanuel !

» Article initialement publié sur Sawndblog

» Illustration de page d’accueil par Ferrari + caballos + fuerza = cerebro Humano sur Flickr

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Massive Media Attack http://owni.fr/2009/11/12/massive-media-attack/ http://owni.fr/2009/11/12/massive-media-attack/#comments Thu, 12 Nov 2009 17:01:16 +0000 Emmanuel Torregano (électron libre) http://owni.fr/?p=5402 Massive Media Attack

TF1, NRJ, CBS, Channel 4, The Times, New York Times, Le Figaro, Die Welt, etc., ces marques ne règnent plus sur la planète média. En quelques années, d’autres acteurs ont capté plus d’audience, se jouant des frontières, des langues, et des modes de fonctionnement. Ce sont les Massive Media.

En fait, on n’avait pas rien vu venir. La signification profonde était restée incomprise, car les liaisons avec les concepts usuels n’étaient pas encore établies. Puis, maintenant que cela vient heurter notre pratique du quotidien, l’image en devient instantanément plus nette. Les médias classiques ont cru qu’il ne s’agissait que d’une petite lame, une vague un peu forte, mais les fondations n’étaient pas atteintes. C’est faux. Pire, il y a là une erreur totale. Fini, les médias, place aux Massive Media. Pourquoi en anglais ? Parce qu’ils sont nés là-bas, il faut le reconnaître. Et Massive, mais pour cela pas besoin de plus d’explications, cela tombe sous le sens.

L’histoire débute avec une affirmation d’un autre temps. Pour prendre la défense des chaînes de télévision, et plus particulièrement des fleurons du petit écran, celles dont les audiences sont au-dessus de la moyenne, il est d’usage d’affirmer que l’internet n’est pas fédérateur. Au sens où regarder une chaîne de télévision, tous, au même moment, à une heure de grande écoute, l’est. Il est vrai qu’Internet n’est pas un média, en ce sens. Il ne captive pas des millions de personnes devant un programme donné, et ceux qui ont tenté cette expérience n’ont eu que des chiffres pitoyables à présenter.

Pourtant, Internet est fédérateur, comme jamais la télévision, ou la radio, ou la presse ne l’ont été et ne le seront jamais. Sur internet, on se rassemble devant un protocole, pas une chaîne. C’est plus massif. Et justement cela s’adresse aux masses. Facebook, Google, Twitter, YouTube, Daily Motion sont des Massive Media.
Les chiffres sont vertigineux. 330 millions d’utilisateurs pour Facebook ; une croissance de plus de 100% pour Twitter, ou encore les milliards de vidéos distribuées par YouTube. Voilà qui appartient déjà à une autre sphère. Incomprise, décriée parfois, mais qui n’est plus à nier. Il n’y a plus qu’à attendre que les autres s’écroulent enfin, et que leur pouvoir de nuisance s’effondre aussi. Entendez par là, que les vieux médias ont encore pour eux l’affection des annonceurs et de leurs agences conseils. Cela ne devrait plus durer trop longtemps.

Pas Zapping, mais rapt

La force de ses massive médias est de réussir à résoudre l’équation des infinies. Ils sont à la fois globaux, mondiaux, immédiats, continues, mais aussi personnels, locaux, à la demande, asynchrones, etc. Leur géométrie n’a plus aucun point commun avec ceux de la génération précédente. Leur mode de dissémination est, elle aussi, hors normes. Ils ne font pas de publicité, ou très peu. Pas de promotion, ni même d’auto-promotion, ou encore très peu – d’ailleurs la sortie des spots publicitaires pour Yahoo ! en dit long sur le retard pris par ce portail, sans parler dans un autre registre des tentatives d’Orange ou SFR de mettre en avant leurs propres services.
Caractéristiques intéressantes, ils réinventent à chaque fois qu’un nouveau Massive Media émerge ce qu’est le Massive Media. Ainsi, il n’existe pas de matrice continue entre Twitter et Facebook, et encore moins Google. La grammaire des sites est différente, le but aussi, bien qu’ils soient abusivement décrits tous comme des médias sociaux. Ce n’est qu’une petite part de leur nature. Les ponts existent en revanche. Ils sont indispensables, au nom de la sacro-sainte interropérabilité horizontale, dont nous avons déjà tracé les grandes lignes.
Néanmoins, il semble qu’après un certain temps, l’un finisse toujours par supplanter les autres. On l’a vu avec la fin programmée de MySpace, incapable de réagir à la montée en puissance de Facebook. Car, en définitive, il n’y a pas concurrence, mais vol d’utilisateur. Il n’y a pas zapping, pour reprendre une analogie avec l’ancien monde, mais rapt. Utiliser un protocole requiert une adhésion, un moment de la vie.
Cela rend, encore une fois, la prédiction bien difficile et hasardeuse. Ainsi, il n’est pas suffisant de vouloir concentrer les Massive Media dans un meta-Massive Media pour réussir le coup parfait. FriendFeed en est la plus parfaite illustration. Il n’est pas non plus pertinent de vouloir faire mieux, en améliorant tel ou tel point, ou aspect et fonctionnalité, comme avec Pownce, ou un autre.
Dans le même registre, Twitter est un aboutissement. Facebook est un aboutissement. Entre YouTube et Daily Motion, la différence est plus succincte, c’est juste, mais la bataille n’est pas terminée. Ces deux sites ne seraient pas à proprement parler des Massive Media. Ils sont une transition entre Google et autre chose qui est encore à définir, et reste finalement à inventer. Fermons cette parenthèse.

Effroi des politiques

Le Massive Media parle de nous. A une nuance près. Il n’est pas un artefact de foule, mais le rassemblement dans une dimension virtuelle de singularités inédites. Et bien souvent leur rapport avec un existence réelle, entendez par-là, hors du monde virtuel, n’est pas une obligation ; les identités virtuelles, celles dont on se sert sur le Massive Media, ne sont pas un corollaire d’un état civil, d’une appartenance à une nation, ou à une culture. Cela explique en grande partie l’effroi des politiques lorsqu’il s’agit de réglementer, surveiller ou punir les agissements sur les Massive Media. D’ailleurs, sans aller jusqu’à faire de la politique fiction, il faudra tout de même bien un jour que soit posée la question des frontières du virtuel. La création d’une géographie ad-hoc devra forcément passer par une remise en cause des délimitations actuelles – repenser à ce sujet l’affaire Twitter en Iran.
A suivre …

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