OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Homoparentalité: la fin du vide juridique français? http://owni.fr/2011/04/08/homoparentalite-la-fin-du-vide-juridique-francais/ http://owni.fr/2011/04/08/homoparentalite-la-fin-du-vide-juridique-francais/#comments Fri, 08 Apr 2011 13:37:14 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=55834 Le Sénat a voté ce jeudi 7 avril un amendement au projet de loi sur la bioéthique élargissant la procréation médicalement assistée (PMA) “à tous les couples”. S’il est adopté, les lesbiennes pourraient ainsi bénéficier de cette technique, jusque-là réservée aux couples hétérosexuels, et ainsi mettre fin au phénomène des “bébés Thalys”.

En parallèle, la communauté gay et lesbienne milite pour que les politiques s’emparent, à l’horizon 2012, de la question des nouvelles formes de parentalité qui résultent d’une évolution de la science d’une part, de la société d’autre part.

Alexandre Urwicz, co-président de l’Association des familles homoparentales (ADFH) insiste sur la nécessité de cette réflexion :

Si aucune action pédagogique ne vient sensibiliser les enfants sur la diversité familiale, les enfants de couples homosexuels pourraient être confrontés aux mêmes discriminations que les enfants de divorcés il y a vingt ans quand ils n’avaient pas le droit d’aller jouer avec les autres…

On peut logiquement penser que la banalisation de ces enfants aura naturellement lieu. Pourtant, il existe encore un vide juridique autour de cette question qui, d’après l’association, concerne 300.000 familles dont l’un des parents est homosexuel (contre 40.000 en 1999). Des chiffres qui ont une valeur indicative, tant la mesure de l’homoparentalité est complexe.

Une réalité niée

Concrètement, la parentalité est pour l’heure inaccessible aux couples homosexuels :

  • la procréation médicalement assistée (PMA) exclut les homosexuels, puisque l’insémination avec donneur est encore réservée aux couples hétérosexuels, à moins que l’amendement du Sénat ne soit validé.
  • La gestation pour autrui (GPA) est strictement illégale sur le sol français.
  • L’adoption est réservée aux couples hétérosexuels ou aux célibataires.

Résultat de cette législation : les couples n’ont d’autre choix que de la contourner et se rendent à l’étranger pour accéder à la PMA (en Belgique notamment) ou la GPA. Aux États-Unis, les Français sont les deuxièmes plus gros clients après les Américains pour la GPA.

Sur ce sujet pourtant, les mentalités évoluent plus vite que les lois. En témoigne ce sondage IPSOS qui montrait, en 2009 déjà, qu’une majorité de Français était favorable à la GPA, unique recours pour les couples homosexuels masculins d’avoir un enfant sans passer par l’adoption.

Pour l’adoption justement, même hypocrisie. Les couples homosexuels en étant écartés, c’est un seul des partenaires qui peut faire la demande d’adoption, en tant que célibataire. Souvent, les demandeurs sont encore contraints de dissimuler leur orientation sexuelle pour avoir une chance de recevoir l’agrément des conseils généraux. Alexandre Urwicz résume :

Pour certains travailleurs sociaux chargés des enquêtes, un homo est forcément considéré comme ayant une activité sexuelle intense, ce qui est aberrant, d’autant plus que dans le cadre de ces enquêtes, personne ne s’intéresse à l’activité sexuelle d’un hétéro !

En l’absence d’une législation favorable à l’adoption par les couples homosexuels, les demandeurs sont soumis au bon vouloir des enquêteurs et à leur vision de l’homosexualité.

Autre problème dans le cas de l’adoption, lorsqu’elle a été effectuée : seul le demandeur bénéficie du statut légal de parent, ce qui peut conduire l’autre parent social a des situations ubuesques. À l’hôpital par exemple, explique Alexandre Urwicz, qui pointe à nouveau le décalage entre la réalité et la loi :

Pour sortir un mineur de l’hôpital, il faut soit avoir le même nom de famille, soit jouir de l’autorité parentale. Dans les faits, l’hôpital peut confier l’enfant au parent social mais légalement, il n’en a pas le droit.

Des affaires récentes ont ouvert le débat

Ces derniers mois, différentes juridictions ont dû statuer sur des affaires qui ouvrent de fait le débat sur la législation actuelle.

En février dernier, la cour d’appel de Paris reconnaissait la validité en France de deux adoptions conjointes par des couples homosexuels. Dans ces deux couples ayant adopté pour l’un au Canada, pour l’autre au Royaume-Uni, les deux partenaires jouissent désormais du même statut juridique de parent.

Si ces arrêts constituent une petite brèche vers la possibilité pour les deux parents réels d’en obtenir le statut légal, ils ouvrent aussi à une discrimination de nationalité et invitent à “un exil juridique après l’exil procréatif” estime Philippe Rollandin, porte-parole de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL).

Par ailleurs, ce 6 avril, la cour de cassation refusait aux époux Mennesson l’inscription à l’état civil français de leurs jumelles conçues en Californie par GPA. Réaction et analyse d’Alexandre Urwicz :

C’est consternant! Ce jugement n’est pas une application du droit mais l’interprétation d’une idéologie. Cela ouvre une discrimination sur l’origine conceptionnelle de l’enfant : certains enfants mériteraient d’être français et d’autres pas ! Par ailleurs, en droit français, la sanction s’applique au contrevenant et ici la sentence s’applique aux enfants, qui n’ont rien demandé à personne.

Le couple va déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, et d’ici quelques années les jumelles pourront de toute façon obtenir la nationalité française par une procédure de naturalisation.

Conservatisme idéologique

Globalement, la justice reconnaît le malaise et invite les politiques à se prononcer. Idem pour la communauté gay et lesbienne qui devrait voter massivement à gauche en 2012, face à l’”autisme” du gouvernement actuel :

À titre personnel, les hommes et femmes politiques nous disent qu’ils sont favorables à une évolution sur ces question, mais ils préfèrent avoir des lois qui font plaisir à leur électorat conservateur que de regarder la réalité en face.

Xavier Bertrand s’est déclaré opposé à l’amendement du Sénat adopté hier, estimant que le recours à la PMA ne devait avoir lieu que dans le cadre du “constat d’une infertilité médicale”. “Le gouvernement n’est pas prêt à suivre” a-t-il ajouté :

L’AMP est une réponse médicale à un problème médical.

Un nouveau vote devrait être demandé par le gouvernement sur cette question.

Associé à l’UMP, le mouvement Gaylib tente de faire bouger les lignes au sein de parti. Son président Emmanuel Blanc signait cette semaine sur son blog une tribune intitulée si vous voulez nos voix, donnez-nous nos droits. Il y reproche “la sortie des LGBT de l’agenda gouvernemental” et la stagnation du débat :

En 2011, nos familles ne sont toujours pas traitées comme les autres familles et ne bénéficient pas de la même considération vis-à-vis de la loi. Nos couples ne sont pas reconnus comme aussi valables que les couples hétérosexuels qui eux, ont le choix entre PACS ou mariage en fonction de leur projet de vie. Ce choix nous est refusé. Comme si nos choix de vie ne pouvaient être compatibles avec la stabilité familiale et la durée.

Crédits photos CC FlickR par Etsy Ketsy

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Sidaction: des sous, on verra après ? http://owni.fr/2011/04/05/sidaction-des-sous/ http://owni.fr/2011/04/05/sidaction-des-sous/#comments Tue, 05 Apr 2011 06:30:05 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=55106 Vous avez passé un bon week-end ? M’enfin, c’était le Sidaction ! Cachez votre joie ! Oui, je sais, c’est totalement soporifique. Et le pire, c’est que plus c’est ennuyeux, et plus les gens donnent. Donc, il n’y a pas eu à mettre un échec des donations sur le Pape cette année, ou sur la Libye, ou même sur le Japon. Tout c’est bien passé. Et, comme chaque année, le sujet des gays, champions des contaminations par VIH dans notre pays, est resté à la trappe. Trop stigmatisant dit-on.

Alors, le VIH explose-t-il chez les gays ou pas ? Le Sidaction ne nous l’a pas dit. Pourtant, d’un pays à l’autre, les chiffres ne se ressemblent pas et malgré des pratiques sexuelles globalement équivalentes, l’épidémiologie se différencie d’année en année. Explications.

En Angleterre, les dernières données montrent que le nombre de gays séropositifs a doublé en dix ans. À Amsterdam, les gays qui se contaminent par le virus de l’hépatite C (VHC) se re-contaminent une seconde fois après traitement avec des souches résistantes. En Suisse, 84% des personnes nouvellement contaminées (surtout les hommes) le sont par un virus résistant aux principaux antirétroviraux.

A force de choper des gonorrhées (chaude-pisse), les traitements standards sont moins efficaces chez les hommes. Et la meilleure (si on peut dire) : à force de sucer tout et n’importe quoi, le lien entre fellation et cancer se précise. Mais à San Francisco, pour la première fois, le nombre des nouvelles contaminations a chuté de 36% en deux ans, — et c’est un chiffre très important, une tendance à la baisse qui semble se remarquer aussi au Canada et en Australie. En France, on est toujours dans la stabilité avec 7.000 nouvelles contaminations, dont la moitié pour les seuls homosexuels, concentrés dans des régions ciblées comme Paris.

Que faut-il en penser ? Est-ce que les gays de certains pays ont davantage de pratiques à risque ? Est-ce que les campagnes de prévention et le Traitement en tant que prévention (TasP) commencent à produire des effets en Californie ? Est-ce que les gays anglais sont plus idiots qu’ailleurs ? Et les Allemands? Comment expliquer ces disparités régionales ?

Réponse: les gays prennent d’énormes risques sexuels partout.
Certaines grandes capitales ont beau disposer de sexshops, de backrooms, de bordels et de lieux de drague en extérieur – ne parlons même pas d’Internet – , les pratiques sexuelles sont homogènes chez les gays des pays riches. De plus en plus de partenaires qui choisissent de ne pas utiliser le préservatif, pour des raisons multiples, des jeux érotiques à base de sperme dans les fellations, une banalisation des fists et des godes qui ne sont pas anodins en termes de fissures de l’anus et du colon, beaucoup de bouffage de cul (rimming), beaucoup de sexualité de performance avec des séances qui durent longtemps, voire tout un week-end.

Les gays organisent leur sexualité d’une manière toujours plus sophistiquée, selon un agenda serré, avec parfois plusieurs partenaires par jour, certains réservés à l’avance comme lors des week-ends passés à l’étranger. Quand on va à Berlin, on a déjà préparé depuis sa maison un plan cul à 11h, un autre à 16h, un dernier à 23h. Un million et demi d’homosexuels sont déjà sur Grindr, l’application de géolocalisation qui permet de trouver un mec n’importe où, même pendant les week-ends chez ses parents. Il n’y a pas de temps à perdre, c’est la beauté du tableau de chasse et de l’accumulation.

Avec une telle multiplicité des rapports sexuels, dont une grande part de rapports à risque, les taux de contamination devraient logiquement exploser. Or, 10% d’augmentation par an en Angleterre n’est pas réellement ce qu’on appelle une « explosion ». Ce n’est pas le taux de progression dont je parlais dans mon livre The End (vers 2005, il y avait des progressions de 12 à 15%), mais à l’époque je redoutais surtout un taux de progression de 15 à 20% avec une épidémie qui doublerait tous les 5 ans, ce qui aurait été symboliquement désastreux. Les gays anglais sont « parvenus » à doubler leur épidémie du sida en une décennie alors que les premiers cas datent de 1981. Ce qui veut dire, à la louche: 1981 / 2001 = 2001 / 2011.

Ce qui est déjà inquiétant, mais je veux ici revenir sur quelque chose que je ne cesse de répéter depuis des années. Dans les pays comme l’Angleterre ou l’Allemagne, l’épidémie n’a jamais été aussi puissante qu’en France car les gays ont été particulièrement safe pendant les vingt premières années de l’épidémie et il y avait cinq fois moins de sida qu’en France. Pareil en Espagne aussi où la majorité des cas de sida provenait de la communauté toxico.

Amsterdam, le VHC, la syphilis, le LGV… « Gezellig ! »

Amsterdam, c’est différent car la Hollande dispose depuis toujours d’une scène cuir et SM très active. L’épidémie de LGV, une infection extrêmement rare en Europe il y a encore 10 ans, est apparue là-bas et ce n’est pas un hasard. Avec des sex clubs hard dans lesquels on ne rigole pas, des pratiques insertives audacieuses, des contaminations par VHC exacerbées par des muqueuses malmenées, tout concourt à faciliter les portes d’entrées du VIH et de tous les autres petits germes et virus qu’il faut ensuite soigner.

Pourtant, l’article d’Aidsmap montre un effet nouveau. Les gays hollandais attrapent le VHC, sont dépistés, disposent d’un traitement lourd contre l’hépatite C. Parmi eux, certains ont de la chance : les nouveaux traitements puissants, mieux tolérés, fonctionnent, ils guérissent leur hépatite. Mais cela ne leur a pas servi de leçon et ils attrapent à nouveau le VHC, très contagieux, et en plus – surprise, avec des souches résistantes qu’ils contribuent à répandre. C’est la preuve flagrante que pour certains le fait d’attraper une gonorrhée, une syphilis ou une (rare) LGV n’est pas toujours un rappel à l’ordre de la prévention.

Ils reviennent à leurs pratiques à risques avec l’avantage d’avoir été dépistés à temps, bien soignés et dès leur convalescence terminée, ils chopent à nouveau l’infection dont ils viennent de se débarrasser. Si l’hépatite C ne fait plus peur aux gays, alors que faut-il leur montrer comme épouvantail ? C’est un des grands paradoxes de ce moment dans l’épidémie: les traitements marchent, même pas peur, on poursuit les mêmes risques, précisément parce que les médicaments sont là. Talk about santé publique.

À SF, le TaSP, le Prep et TIM…

San Francisco est à part. Là on est dans un Amsterdam +++. Non seulement la scène hard est institutionnalisée, des sex-clubs qui se targuent d’être les plus érudits avec des machines qu’on n’a pas ici, des sites Internet avec les plus beaux mecs du monde, une disponibilité sexuelle qui fait partie de l’identité de la municipalité. Et il a, bien sûr, l’effet d’entraînement de toute l’industrie porno gay qui est basée en ville avec l’influence déterminante de Treasure Island Media, le studio bareback le plus connu au monde.

La ville a toujours été le laboratoire d’idées pour le sexe pas safe, mais c’est aussi un laboratoire d’idées pour les campagnes de prévention, de testing, de dépistage rapide, de TasP et de PreP – même s’ils ont du travail à faire sur le traitement post-exposion, le TPE. On peut donc imaginer que les initiatives massives d’information parviennent à réduire l’augmentation des contaminations, malgré une sexualité encore plus hard qu’ailleurs.

Tout ceci devrait nous inciter à surveiller toujours plus davantage ce qui se passe dans nos pays voisins ou même éloignés. En France, le milieu associatif semble se mobiliser lors du Sidaction, mais surtout pour se plaindre de la baisse des crédits accordés par le gouvernement aux associations. Bien sûr, ils ont raison. Mais leur travail est si pathétique que l’on se demande s’ils ne prêtent pas eux-mêmes le flanc à de telles restrictions budgétaires.

Quelle est leur réussite sur la prévention ? À part le SNEG, qui affronte les vrais sujets ? A-t-on déjà oublié le scandale des finances de Aides ? Et surtout, qui fait du dépistage rapide de nos jours ? On nous fait croire que le dépistage rapide avance, mais il fait du surplace. À Marseille ou dans les villes de province, c’est pratiquement un secret. Est-ce que les gays sont au courant ? Et s’ils le sont, sont-ils vraiment poussés à recourir au dépistage rapide ? Est-ce que les rares adresses de dépistage rapide à Paris sont prises d’assaut par les gays ? Est-ce que l’on utilise cet outil fantastique pour dépister davantage dans les Antilles et en Guyane ?

Non à toutes les questions.

Dépistage en France ? Le plan galère

En Afrique, il est possible de se dépister soi-même, via son téléphone portable, ce qui permet de ne pas faire des kilomètres et des kilomètres pour atteindre un centre de dépistage. Et les africains le font, sans être obligés. Voilà des initiatives modernes via portable qui font avancer le schmilblic de la prévention bien mieux que le pilulier électronique à la mord-moi le nœud.

Le TasP, ou Traitement as Prevention, est un canard boiteux en France, avec une ministre de la santé si inefficace que tout le monde se désintéresse d’elle, attendant les prochaines échéances électorales. Résultat: encore une année de prévention perdue pour tous. Pour que le TasP soit efficace, il faut à la fois dépister en masse et offrir des traitements à toutes les personnes séropositives qui le veulent. Comme à San Francisco.

Mais ceux qui sont chargés du dépistage rapide en France font semblant de rejeter la faute sur Bachelot, alors qu’on sait bien qu’ils marchandent leurs offices pour recevoir de l’argent. « Mais il faut former tous ces volontaires pour le counseiling ! » disent-ils. « Il faut pérenniser l’action ! ». Comme s’il fallait une maîtrise en communication pour parler de gay à gay et leur donner le résultat d’un test en leur faisant tout le topo de prévention. On sait déjà tout ce qu’il faut dire. Pendant ce temps, une infime partie des gays ont recours au dépistage rapide. Même autour de moi, les gens sont tellement peu motivés qu’ils continuent à aller où ils allaient avant. Et chaque test au Chemin Vert coûte beaucoup plus cher qu’un simple piqûre au doigt, je vous assure.

Les associations se « mobilisent » pour le Sidaction avec toujours les mêmes jérémiades. On parle toujours et encore d’un vaccin qui n’arrivera JAMAIS et Sidaction cautionne ça au lieu de parler des sujets vraiment importants. Parler des gays à heure de grande écoute et dire que c’est le groupe qui nourrit la contamination en France ? Mais ce serait de la discrimination ! Comment voulez-vous envoyer de l’argent difficilement gagné de nos jours à une structure qui, année après année, reste si aseptisée qu’elle a du mal à prononcer le verdict le plus important de l’épidémie française ? C’est ça l’urgence, pas le vaccin qui n’intéresse que l’industrie pharmaceutique et qui détourne des millions d’euros qui devraient être dépensés ailleurs, sur le terrain, tout de suite !

Vous voulez dire que vous nous demandez de l’argent qu’on devrait donner au Japon ? Tout ça pour financer des associations que personne n’écoute et qui bénéficient des 35 heures et des appartements de fonctions pour leurs anciens présidents ? Mais ce mouvement associatif montre bien son visage, un an avant l’arrivée possible de la gauche à la présidentielle. Il est mou, incroyablement mou. On commémore trente années d’épidémie à travers le monde et que les chiffres et les mots deviennent vides de sens, comme les personnes qui les prononcent.


Article initialement publié sur Minorités

Photos flickr CC Stéfan Le Dû ; José Orsini

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L’overdose gay de Lady Gaga http://owni.fr/2010/06/04/loverdose-gay-de-lady-gaga/ http://owni.fr/2010/06/04/loverdose-gay-de-lady-gaga/#comments Fri, 04 Jun 2010 10:14:01 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=17500 Nous en sommes désormais à la millième citation de la star bionique en défense des droits des gays. C’est tellement répétitif que l’on se demande pourquoi les médias LGBT prennent encore la peine (car c’est une peine croyez-moi) de trouver des superlatifs nouveaux par rapport aux déclarations précédentes. Je pose la question : pendant combien de temps une star peut-elle radoter sur la pédalerie ?

Hey, je n’ai rien contre les stars globales qui prennent fait et cause en faveur des droits des personnes gay, bi, les lesbiennes, les trans, les intersexuées et les questionning et whatnot (le whatnot va devenir très central dans les années qui viennent, il me semble).

Cela fait deux ans que Lady Gaga est connue, cela fait un an qu’elle est N°1 major, et un fil conducteur suit cette explosion cross-over. Elle n’arrête pas de parler des gays. C’est une obsession. C’est parti du traditionnel « Mon public gay est vraiment groovy » à « Je défends les droits des personnes LGBT » au récent et définitif :

« Je défendrai toujours les droits des personnes LGBT, jusqu’à ma mort ! »

Bien sûr, il y a des variantes. Si elle se casse les deux jambes, elle pourra dire : « J’ai beau être immobilisée right now, mais cela ne m’empêchera pas de défendre les droits des personnes LGBT avec mes bras ». Quand elle recevra son premier Oscar, elle dira : « Tout ceci aurait été impossible sans les papas gays adoptifs ». Et quand elle sera morte, il y aura sur sa plaque : « Lady Gaga. Elle a défendu les droits des homosexuels ».

La question que je me pose, donc, c’est combien de temps on peut tenir avec un discours si con ? Je sais bien : il reste de nombreux coins du monde où Lady Gaga n’a pas encore « breaké » et si vous mettez ça dans le contexte de la Mongolie, le discours pro gay de Gaga a un potentiel libérateur inouï, “gay truth is marching on”, même à Ulan Bator.

Mais comme nous apprend le 19 mai dernier un très triste article du NYT, la Mongolie a actuellement des problèmes autrement plus graves avec le dernier hiver hyper dur et une sécheresse sans précédent qui viennent d’achever 20% du cheptel national. C’est énorme pour un pays qui vit de l’élevage et du coup, des dizaines de milliers de Mongols sont mis “à la rue”.

La Mongolie attendra donc pour le message émancipateur de Lady Gaga, qui est pourtant en train de se déverser sur 95% du reste de la planète. Son cri pro-LGBT précède désormais la musique, les apparitions, les concerts, les masques-chapeaux vénitiens / Leigh Bowery de l’hyprastar du XXIème siècle. Elle a un moteur intégré qui lui permet de répéter sans cesse, en 300 langues et 547 idiomes s’il vous plait, les mêmes phrases pro-gay et cette répétition met en valeur l’aspect robotique de cette jeune chanteuse qui, quand elle a une idée, la pousse à son paroxysme.

Mais laisse le tranquille!

Vient alors un moment où les personnes LGBT elles-mêmes comment à s’interroger sur une telle insistance. Les personnes LGBT sont-elles les seules, à travers le monde, à mériter un tel mouvement de sympathie? Mieux : que va-t-il se passer lorsque les conseillers de Gaga vont lui dire qu’il est temps de passer à une autre minorité souffrante ? Faut-il s’attendre à des conférences de presse avec des mémos imprimés sur papier Bristol 350gr qui expliquent que Lady Gaga est en train de pratiquer un switch stratégique des homosexuels vers les gens du voyage ? Ou alors répondra-t-elle dans les interviews :

« Vous savez, c’est fini mon discours en faveur des personnes LGBT car je suis passé à autre chose de plus novateur. J’attire votre attention sur le fait que les autistes ont développé un mouvement de libération grass roots qui est très proche du Gay lib. Leur slogan, c’est « We’re strange, get used to it ». J’aime beaucoup ça. Moi-même je suis strange. Je prépare un remix de “In My Language” ».

Pour une vieille comme moi, qui a été témoin de la présence de plus en plus importante du discours gay dans la pop depuis 40 ans, Lady Gaga représente un sujet d’émerveillement et de gerbe à la fois. Elle s’empare du sujet avec une telle obsession qu’on se demande qu’est-ce qui lui prend, et surtout : pouvons-nous récupérer notre sujet s’il vous plait, maintenant qu’il appartient plus à Lady Gaga qu’à nous ? Nous nous sommes fait voler ce qui nous appartenait ! Ça devient comme Bono pour l’Afrique : c’est le blanc qui devient plus célèbre que Mandela et ça ne plait pas à tout le monde, I’m telling you !

Franchement, si j’étais dans un groupe LGBT radical (ooooooh, c’est déjà une idée si difficile à imaginer !), je crois que je préparerais un happening où Lady Gaga serait confrontée à des folles qui auraient des pancartes : « STOP EATING MY DIN DIN, BITCH ! » ou « C’est ma brioche que tu manges, Marie Antoinette ! ». Il y a de nombreux sujets qui ont été ainsi détournés par des célébrités. Au début, ça se passe bien, tout le monde est content de découvrir une nouvelle porte-parole, surtout quand elle est aussi énorme que Lady Gaga. Après tout, c’est l’artiste N°1 de Now. On devrait être ravis. Alors, pourquoi cette gêne ?

Parce que ce serait intéressant de mesurer, dans quelque temps, si le discours rabâché de Lady Gaga sur les droits des gays fait reculer l’homophobie et aura aidé le mariage gay, par exemple. Après tout, de telles études sont faciles à faire et je parie même que les premiers chiffres sont sur le « bureau » de Lady Gaga as we speak.

Mais si ce n’est pas le cas, par exemple si son discours gagaesque n’a pas le moindre impact en Ouganda ou au Malawi, est-ce que ça veut dire que nous aurons offert notre identité à Lady Gaga, sans rien dire, pour qu’elle gagne plus de fric ? Elle ne ferait pas mieux de s’engager pour la Palestine, c’te conne ? Vous voyez ce que je veux dire ?

L’overdose homosexuelle de Lady Gaga n’engage rien et ne coûte rien. Si elle parlait de Ouïghours, il y aurait un impact. Parler des gays comme elle le fait depuis deux ans, c’est sucer la substance homosexuelle sans vraiment transformer les choses. Grâce à Gaga, le sujet gay est encore plus dévoyé, délavé, sans que les gens se posent vraiment des questions sur les gays.

C’est un sujet comme la météo. C’est comme si Gaga disait : « J’adore le soleil ! ». Ah ouais, super. Tu vas être super contente avec le réchauffement climatique, bitch.

> Article initialement publié sur le blog de Didier Lestrade

> Illustrations par A Hermida et Billie Joe’s Entourage

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