OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les législatives de l’étrange http://owni.fr/2012/06/15/les-legislatives-de-letrange/ http://owni.fr/2012/06/15/les-legislatives-de-letrange/#comments Fri, 15 Jun 2012 14:14:21 +0000 Thomas Deszpot http://owni.fr/?p=113075 fail à répétition. Outre des problèmes techniques récurrents, un autre facteur s'est invité : l'abstention. Au premier tour de ces législatives, le taux de participation n'a pas dépassé 20%.]]>

Le 17 juin au soir, les Français de l’étranger connaîtront le nom de leurs premiers députés. Leur élection doit permettre une meilleure représentation de nos expatriés, éparpillés dans un monde divisé pour l’occasion en 11 circonscriptions. Au soir du premier tour (voir les résultats ci-dessous), qui s’est achevé le 2 juin, un chiffre a surtout retenu l’attention : celui de l’abstention. Boudées en France — la participation dépasse à peine les 57% — les législatives n’ont que très peu mobilisé à l’étranger, puisque seul un électeur sur cinq a voté.

Mo-ti-vé-e-s (#oupas)

Vue de France, cette proportion de votants semble particulièrement faible. Un constat à tempérer puisque les taux d’abstention chez les expatriés sont conséquents lors de tous les scrutins. A titre de comparaison, la présidentielle avait recueilli environ 40% des électeurs, contre 80% dans l’Hexagone. Pour expliquer ce manque d’engouement, plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d’abord, la distance des bureaux de vote : certains Français résident parfois à plusieurs centaines de kilomètres de l’ambassade ou du consulat le plus proche. Après 10 ou 20 ans éloignés de leur pays d’origine, des électeurs se sentent également moins concernés par les problématiques franco-françaises, et renoncent de fait à voter.

Ces difficultés logistiques ne suffisent à pas occulter les lacunes dans la communication qui a entouré ce scrutin. Pour tenter de mobiliser ce nouvel électorat, Nicolas Sarkozy a pourtant créé à l’été 2011 un secrétariat d’Etat aux Français de l’étranger, confié à l’ancien judoka David Douillet. Malgré cette initiative, les candidats regrettent le déficit d’information du ministère des Affaires étrangères. C’est le cas de Daphna Poznanski, la vice-présidente socialiste de l’Assemblée des Français de l’étranger. Avec 30,5% des voix, elle est arrivée en tête au premier tour dans la 8ème circonscription, qui regroupe notamment Israël, Chypre, la Turquie ou l’Italie.

Au niveau de la communication, ça a été un ratage complet. De nombreux électeurs n’étaient pas au courant, ou n’ont pas bien compris l’enjeu de ce scrutin. C’est une première donc nous essuyons forcément les plâtres, mais il faut avouer que c’est difficile de s’adresser à autant de personnes sur un si grand territoire. Lorsque TV5, une chaîne très écoutée par les expatriés, a communiqué dans ses journaux les dates du scrutin sans préciser qu’à l’étranger il aurait lieu une semaine en avance, nous étions effondrés. Nous avons vu affluer des électeurs devant les bureaux le 10 juin, alors même que les votes étaient clos depuis une semaine !

Pas défaitiste devant le fort taux d’abstention dans sa circonscription — 86,63%, un record — la candidate souligne que les électeurs israéliens n’ont pas pu se rendre aux urnes. A travers l’État hébreu, le dimanche est en effet un jour travaillé : il marque là-bas le début de la semaine.

En tête avec 4 400 voix

La participation dans cette 8ème circonscription mérite que l’on s’y attarde. Sur les 109 411 inscrits qui étaient appelés à se prononcer lors du premier tour, près de 95 000 se sont abstenus. Malgré ses 30,5%, Daphna Poznanski n’a finalement recueilli que 4 400 suffrages, soit 4,02% des inscrits. Comme elle, aucun des candidats pour les Français de l’étranger n’a atteint le palier des 12,5% prévus par la loi pour accéder au second tour. Pour contourner cet écueil, le législateur prévoit que les deux candidats arrivés en tête soient qualifiés. Dans la 8ème circonscription, la socialiste est donc opposée à sa rivale UMP Valérie Hoffenberg, créditée de 3 202 voix (soit 2,93% des inscrits) au premier tour.

Tout à fait légaux, ces résultats posent néanmoins une question de légitimité pour les futurs députés qui seront élus avec part une part infime des inscrits. Un postulat que réfutent les candidats et leur entourage, à l’instar de Corinne Narassiguin (PS), en tête dans la 1ère circonscription.

La légitimité ? Elle se fera une fois que les députés seront élus ! S’ils agissent en faveur des Français de l’étranger et défendent leurs intérêts alors oui, ils seront crédibles. En tout cas si je suis élue, c’est certain que j’aurai une responsabilité supplémentaire car nous seront en quelque sorte des ambassadeurs à ce poste.

“On n’est pas à l’aise” confie pour sa part Francis Huss, le suppléant de la candidate UMP pour la 5ème circonscription. Face à ces forts taux d’abstention, il tente de mobiliser encore et encore, “pourtant on a bombardé de mails depuis un an !” lance-t-il.

Bugs à répétition

Déjà peu enclins à se rendre aux urnes, les Français de l’étranger ont dû faire face à une succession de problèmes techniques. Si un certain nombre d’électeurs se sont trompés de date à cause d’une communication hasardeuse, ceux qui ont fait le choix du vote par correspondance ont eu quelques surprises.  “Plus de la moitié des votes reçus à temps ont dû être invalidés à cause de vices de forme” déplore Corinne Narassiguin, “sans compter les courriers reçus en retard et qui n’ont, de fait, pas pu être comptabilisés.” Un constat partagé par sa camarade socialiste Daphna Poznanski, qui évoque une “catastrophe totale.”

Dans les consulats et les ambassades, on attendait les bulletins par la poste le vendredi. Pour les électeurs, c’était tout simplement impossible car beaucoup n’ont reçu le matériel nécessaire au vote que le jeudi ! C’est regrettable que le gouvernement n’ait pas écouté l’Assemblée des Français de l’étranger qui avait pourtant demandé 3 semaines pour le vote par correspondance.

Le vote électrocuté

Le vote électrocuté

À partir de ce mercredi 23 mai, les Français de l'étranger peuvent voter pour élire leurs députés, grâce à des sites ...

Pour les expatriés qui avaient communiqué leur adresse électronique, le vote par Internet était une autre alternative. Déjà utilisé en 2006, il est jugé “peu fiable” et “dangereux pour le secret du vote” par les experts, comme le rappelait Owni dans un précédent article. Au premier tour de ces législatives, il a été utilisé par 126 947 électeurs, soit 57% des votants. Lors du scrutin, les internautes ont parfois du batailler pour réussir à voter, il leur a souvent fallu composer avec les bugs et les failles du système informatique mis en place.

Pour voter, un ordinateur non mis à jour était nécessaire, comme le rapporte Numerama. Avec la dernière version de Java, l’accès à la plate-forme était refusé, il fallait donc la désinstaller et en télécharger une plus ancienne. Pour faire face à ces difficultés, le ministère des Affaires étrangères a réagi et conseillait sur son site de “désactiver momentanément l’antivirus.” (sic) Le ministère qui tient à rester prudent pour le moment : les responsables en charge de ces questions tentent de rassembler de plus amples informations avant de tirer des conclusions. Les retours qui risquent d’être plus difficiles à récolter puisque dans le cadre du vote par Internet aucun assesseur n’est en charge de la bonne tenue des opérations. Les trois candidats à la députation que nous avons interrogés ont, en tout cas, fait part des problèmes rencontrés par les électeurs. Certains d’entre eux les ont alertés : ils n’avaient pas reçu leur identifiants ou ne réussissaient pas à valider leur vote.

Très actif sur ces questions, le Parti pirate — qui présentait par ailleurs une centaine de candidats à travers la France — avait anticipé de telles complications. Avant le scrutin, un site destiné à recueillir le témoignage des électeurs votant par Internet a été lancé, il a rassemblé à ce jour près de 250 réactions. Si certains s’avouent très satisfaits de pouvoir voter depuis leur domicile, d’autres décrivent un parcours du combattant pour accomplir leur devoir démocratique.

Inscrit sur la liste consulaire de Berlin, je n’ai pas reçu mes identifiants de vote par courrier. Mon adresse inscrite au consulat est pourtant la bonne, j’ai d’ailleurs bien reçu les professions de foi de la présidentielle et du premier tour des législatives. J’ai contacté l’assistance, et j’ai reçu le 24 mai une première réponse complètement surréaliste. On m’expliquait que je devais changer mon adresse postale avant le 24 avril. Toutes les informations étaient ciblées sur “comment s’inscrire au vote au mois d’avril”, et absolument pas sur le problème que j’avais décrit. [...] Suite à une relance, j’ai reçu une “vraie” réponse. Le constat était simple : ils considèrent que les éventuels problèmes postaux ne sont pas de leur ressort, et que si je n’ai pas mon identifiant, il n’y a rien qui puisse être fait. Je n’ai donc pas pu voter par Internet pour le premier tour. Et comme les identifiants sont les mêmes pour le second, il est probable que je sois dans la même situation dans deux semaines.

Face à ces dysfonctionnements, les membres du Parti pirate sont confortés dans leur opposition au vote par Internet. Si les difficultés rencontrées ne suffisent pas à obtenir sa suppression, elles contribueront sans doute à améliorer le dispositif pour les prochaines échéances électorales. L’implication des Français de l’étranger sera sans doute à ce prix.


Photo CC Mortimer62 [by-sa] et remix avec LOLcat via ICanHasCheezburger /-)

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Les rêveries de l’électeur solitaire http://owni.fr/2012/04/20/les-reveries-de-l%e2%80%99electeur-solitaire/ http://owni.fr/2012/04/20/les-reveries-de-l%e2%80%99electeur-solitaire/#comments Fri, 20 Apr 2012 19:34:40 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=107183

Il importe donc qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’État, et que chaque citoyen n’opine que d’après lui. – Rousseau

Ce dimanche, des millions d’individualités se rendront dans ce que l’on appelle des isoloirs, pour mettre dans l’urne un bulletin de vote. Cela peut paraître étrange : pour que la vie politique avance, il faut agir tous ensemble, avions-nous vu précédemment, et il faudrait donc s’isoler ensuite pour manifester sa volonté de citoyen au moment du suffrage ! En fait, l’idée n’est pas du tout absurde.

Pour être citoyen faut-il donc s’isoler ? Certes pas en un premier sens : comment former son jugement, comment tisser des solidarités et surtout, comment dialoguer si l’on s’isole des autres ? Chacun peut faire aisément l’expérience qu’en parlant, en marchant, en agissant avec les autres, sa propre pensée s’exprime, se forme, se transforme, rencontre des contradictions qui imposent de nouvelles réflexions et de nouvelles actions. Rien n’est plus impuissant qu’un citoyen isolé des autres citoyens. Nous avions pu citer la belle phrase de Maurice Merleau-Ponty :

Notre rapport au vrai passe par les autres. Ou bien nous allons au vrai avec eux, ou bien ce n’est pas au vrai que nous allons.

Si la vérité politique se construit à plusieurs, alors l’isoloir est-il une invitation à lui tourner le dos ?

Certainement pas, si l’on conserve en mémoire bien des idées que nous avons pu croiser dans cette vingtaine de chroniques depuis quelques mois. Chacun pense à l’intérieur de soi, et du coup chacun croit que sa pensée est « personnelle ». Il n’en est rien :

Dans le cas précis d’une campagne électorale comme celle que nous venons de vivre, qui donc peut se flatter de réfléchir sans tenir aucun compte des sondages ?

Sans calculer ce que son vote au premier tour peut induire au second tour compte tenu des institutions telles qu’elles sont ?

Sans craindre que tel candidat soit élu, que tel autre soit battu ?

Que telle ou telle mesure précipite sa vie dans un enfer comme celui que l’on inflige à la Grèce ?

Que tel candidat (e) qui a notre préférence ait ou n’ait pas une chance de figure au second tour ?

Que tel ou tel danger qui menace la vie quotidienne à nos yeux, des attentats à la perte d’emploi en passant par la scolarité des enfants ?

Qui peut se vanter d’être imperméable aux stratégies médiatiques ou s’émanciper de toute croyance vis-à-vis des discours construits autour des tornades financières ?

Soyons honnête : personne.

Qui peut se flatter aussi de n’être en rien porteur des passions que nous intériorisons tous, tout au long de nos vies, dans la logique sociale qui nous enveloppe et nous construit à notre insu : passion de la richesse, passion du pouvoir, passion des honneurs, de l’amour-propre, de l’image de soi ? Autrui est omniprésent à l’intérieur de moi, je vis sous son regard, son influence, et parfois sa domination. Comment alors savoir ce que je veux, ce que je désire, ce que je juge meilleur pour moi, pour toute la société, pour toute la planète ? Qui peut prétendre voir clair en soi ?

L’antique invitation de Socrate, « connais-toi toi-même », ne sera jamais périmée. Si j’ai besoin de dialoguer et agir avec les autres, cela serait vain s’il fallait me perdre en eux, dans cette dictature du « on » qui nous surplombe et qui exige sans cesse de moi que j’ai l’esprit en éveil, que j’aiguise mon esprit critique, que j’accepte de changer. Ce n’est pas sans raison que Descartes par exemple s’isolait dans son bureau pour exercer le doute critique et construire une nouvelle pensée, à l’aube des Lumières.

Portrait de Jean-Jacques Rousseau par Allan Ramsay, Nationall Gallery of Scotland - Domaine public via Wikimedia Commons

Jean-Jacques Rousseau avait repris à son compte l’exigence socratique, en soulignant la difficulté extrême qui s’opposait à nos efforts, pour séparer clairement ce qui vient de soi et ce qui, en soi, fait parler et agir la culture de la société environnante. Pour lui, le citoyen doit penser et se déterminer « dans le silence de ses passions ». Comme le sage platonicien, comme Diogène, comme Epicure et Epictète, comme Descartes et Spinoza.

Face à toute question éthique ou politique, une foule de coutumes, de préjugés, d’erreurs communes tendent à imposer en nous des réponses que nous n’avons pas réfléchies. Les mécanismes sociaux, les intérêts particuliers qui nous poussent à toujours préférer nos inclinations au souci de justice commune, les passions liées à la richesse, au pouvoir, à l’image de soi, tout peut s’imposer à nos jugements. Avec la meilleure bonne foi concevable.

Bien sûr, c’est aussi grâce à ces tendances communes contradictoires que les révolutions unissent des foules, que des progrès sont imposés (comme l’affirmait Kant), que toutes les grandes choses de l’histoire sont réalisées (comme le remarquait Hegel). Mais c’est aussi par cette voie que des foules ont pu se fourvoyer et tourner le dos au progrès de l’idée de liberté, à l’égalité, à la fraternité. Il y a donc un moment décisif : celui qui nous place seul face à nous même, une fois enrichi par les débats, les discours, les lectures. À l’abri des tumultes de l’histoire en train de se faire, et des mécanismes institutionnels qui imposent des logiques sans rapport avec la raison et la justice.

Pour y parvenir, Rousseau ressentait le besoin de partir dans ses Rêveries de promeneur solitaire, comme il a titré l’une de ses œuvres. Seul, marchant dans la nature, tout à ses pensées, cherchant son jugement sincère dans l’enchevêtrement de ses contradictions intimes.

Faute de forêt ou de montagne à l’écart des débats électoraux, au moins devons-nous y songer très fort dans l’isoloir : quel est mon vrai désir, par delà les calculs, de quelle humanité ai-je l’envie, à quel avenir ma voix doit-elle contribuer ? Et si le progrès humain passait par des foules de citoyens jaloux de leur individualité ?

NB : Relire, bien sûr, les œuvres de Rousseau, Platon, Descartes, Spinoza, Kant, Hegel ou Merleau-Ponty évoquée plus haut. Vient de paraître aussi, aux éditions de La découverte, Démocratie précaire. Chroniques de la déraison d’Etat, d’Eric Fassin. Stimulant.


Texture par Essence of a dream/flickr (CC-by-nc) ; Portrait de Jean-Jacques Rousseau Allan Ramsay [Public domain], via Wikimedia Commons

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Le Parti pirate français sous pression http://owni.fr/2012/04/18/le-parti-pirate-francais-sous-pression/ http://owni.fr/2012/04/18/le-parti-pirate-francais-sous-pression/#comments Wed, 18 Apr 2012 16:14:22 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=106619

Drapeau du Parti Pirate sur les vitres du Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Nous avons 230 adhérents, soit le même nombre que le Parti Pirate allemand en 2009.
Nous ne sommes structurés que depuis 2009.
Le PP suédois a obtenu 0,3% des voix à ses premières élections.

Pirates de tous les pays

Pirates de tous les pays

Objectif : les Partis Pirates au Parlement européen en juin 2014. Ce week-end à Prague, nous avons suivi la conférence du ...

Lors de la présentation de ses candidats aux législatives au Lavoir moderne parisien, à la Goutte d’Or, le Parti Pirate a pris soin d’égrener une poignée de chiffres pour relativiser les critiques sur son manque d’envergure dans le paysage politique français.

Le Parti Pirate (PP) est en effet attendu au tournant, au regard de la montée en puissance de ses homologues européens. Les Suédois ont envoyé deux pirates au Parlement européen, les Allemands vont de bon score en bon score, et serait désormais la troisième force politique du pays, devant les Verts. Beaucoup de pression donc pour ce qui est le premier test électoral national des pirates français. Maxime Rouquet, le co-président, en a convenu :

On est en retard, notre ambition est de rejoindre le score du PP allemand.

42 candidats pirates déclarés

Nos pirates ont aussi pris soin de souligner qu’ils partent désavantagés dans la course. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne favorise pas les petits partis, contrairement à l’Allemagne, qui a opté pour un système à la proportionnelle. Le FN en sait quelque chose, qui ne dispose d’aucun député. Pour avoir droit à un spot télévisé de 3 minutes, il faut présenter 75 candidats. Un objectif à portée de sabre : 42 candidats pirates se sont déjà déclarés, et une vingtaine est en attente de confirmation.

Autre problème, l’argent. Là encore, il ne fait pas bon être un nain politique. L’État rembourse le coût des “opérations de propagande officielle” uniquement des candidats passant la barre fatidique des 5% au 1er tour. Et il faut présenter au moins 50 candidats et qu’ils réalisent au minimum 1% des voix pour que chacune lui rapporte 1,63 euros par an pendant la durée du mandat.

Conférence de presse du Parti Pirate au Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Or la simple impression des bulletins revient à 3 000 euros environ par circonscription. Qui dit comptes de campagne dit certification, dit expert comptable, dit 300 euros. La situation est claire :

Le Parti Pirate ne peut pas rembourser ses candidats.

“Campagne 00″ : zero cost

Du coup, le PP a opté pour campagne, non pas low cost mais zero cost, baptisée “campagne 00″ :

- zéro euro de dépense de campagne.

- zéro euro de bulletin.

Il vous faudra donc imprimer votre bulletin. Stratégie de moindre frais qui a laissé sceptique une partie du public . Un curieux a d’ailleurs alpagué les membres du parti  :

Mais faites campagne ! N’ayez pas peur de dépenser, et soyez malins, faites par exemple imprimer des tracts par des copains au boulot. Votre stratégie est trop limitante.

Le décollage, c’est maintenant, vous êtes le premier parti post-Internet, foncez !

Une proposition qui trouvera un écho faible. En lieu et place, Maxime Rouquet évoque mollement le hacking de propagande, avec pour exemple leurs cousins allemands  qui nettoient des murs sales pour n’y laisser que le logo du Parti Pirate.

En cours de structuration

Par-delà les histoires d’€, le PP fait face à trois autres difficultés. D’une part, son programme ne couvre que cinq axes, qui ne sont pas au centre des préoccupations des Français en cette période de crise. Vous me direz, en Allemagne aussi, et ça ne les a pas empêché de percer.

Un pirate à l’abordage du PS parisien

Un pirate à l’abordage du PS parisien

Hervé Breuil, figure de la culture du quartier populaire parisien de la Goutte d'Or à Paris, est en guerre contre les ...

Au menu, la légalisation du partage, la lutte contre le fichage, l’indépendance de la justice, la transparence de la vie politique et l’ouverture des données publiques. Interrogés à ce sujet, les pirates ont répondu que les questions socio-économiques étaient en cours de réflexion. Outre le programme officiel, approuvé par les trois quarts des adhérents, il y a des mesures pirato-compatibles, approuvées à la majorité simple. Parmi ces dernières, on trouve le revenu de vie ou bien encore l’allocation universelle. Le PP s’est aussi rapproché du collectif citoyen Roosevelt 2012.

Enfin, le parti est victime d’une double exigence contradictoire. D’un côté, une partie des citoyens aspirent de la “politique autrement”, qui ne soit pas le fait de politiciens à vie, roublards et rouées.

Mais par ailleurs, le PP français est desservi par ses maladresses de débutant dans le grand bal de la politique, comme sa communication peu rodée, et on lui renvoie parfois dans la figure. Tout l’enjeu sera de garder leur fraicheur et leurs convictions tout en affutant leur sabre, de rester des amateurs au sens étymologique du terme, des gens qui aiment. Et pas le pouvoir comme fin en soi tant qu’à faire. Législatives en juin, municipales, territoriales et européennes en 2014, le terrain d’exercice est vaste.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Qui veut voter pour l’Enfer ? http://owni.fr/2012/02/02/qui-veut-voter-pour-l%e2%80%99enfer/ http://owni.fr/2012/02/02/qui-veut-voter-pour-l%e2%80%99enfer/#comments Thu, 02 Feb 2012 16:01:16 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=96903

Citation : “S’il veut conserver sa réputation de libéral, un prince sera contraint de taxer extraordinairement les populations, d’être dur “- Machiavel.

Si l’on entend dire ces temps-ci que le courage politique consiste à infliger autoritairement aux peuples des régressions sociales qu’ils refusent, on entend dire aussi qu’avant une élection il faudrait être fou pour proposer des mesures qui frappent les conditions de vie des citoyens de plein fouet. Dans les deux cas il est vrai, on sous-entend qu’être élu c’est diriger un peuple comme un berger conduit un troupeau, et que le Prince élu prétend savoir seul ce qui est bon pour ses sujets.

Depuis plusieurs jours, des amis me reprochaient de n’avoir jamais lu La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, de la canadienne Naomi Klein. A coup de superlatifs, ils m’expliquaient que l’on y trouvait le fil conducteur de plusieurs décennies d’événements planétaires aussi hétérogènes en apparences que des dictatures latino-américaines, des pays mis en faillite par le FMI, des guerres, un tsunami, des pays de l’est qui sombrent dans un capitalisme sauvage, un massacre en Chine…

Je me disais qu’un tel bric-à-brac ne pouvait être éclairant. Ces amis ajoutaient que l’auteur démontrait avec précision qu’une véritable stratégie avait été conçue dans les années 80 aux États-Unis, à Chicago, autour de Friedman, qui consistait à provoquer de véritables catastrophes – ou à profiter de catastrophes aléatoires – pour mettre à genoux des peuples entiers, les apeurer, les résigner à des régressions sociales qui seraient ressenties comme “moins pires” que le sort dans lequel ils se sentaient enfermés. Il est vrai que la façon qu’on avait eue d’endetter délibérément des nations entières, en Afrique ou en Amérique latine, pour exiger d’elles d’affamer véritablement leurs peuples sous peine de mise en faillite totale, m’avait alors comme beaucoup d’autres choqué et stimulé dans mes engagements politiques.

Quelques économistes avaient observé qu’une véritable hyperinflation provoquait les mêmes effets qu’une guerre militaire.

Naomi Klein.

Au Chili ou en Argentine, une explosion de la dette, organisée et planifiée, anesthésia les prétentions des jeunes démocraties. On fit grimper les taux d’intérêt jusqu’à 21% ce qui dévasta des pays entier comme le Brésil, l’Argentine ou le Nigéria, et entraîna des baisses dramatiques des produits exportés, lourdes de conséquences sociales et humaines : 25 chocs entre 1981 et 1983 ; 140 chocs entre 1984 et 1987 !

Plus une situation apparaît désespérée, plus les citoyens acceptent de renoncer à leurs maigres acquis sociaux et démocratiques : déréglementations, privatisations, régressions sociales, sanitaires, salariales, tout apparaît préférable aux catastrophes vécues et annoncées comme autant de tsunamis irrésistibles. Les citoyens horrifiés se débarrassent alors de leurs ambitions et de leurs rêves, et chassent du pouvoir celles et ceux qui les avaient portés en leur nom. Effacer la mémoire, effacer l’espoir d’un meilleur avenir : une guerre totale, une tempête. Comme l’avait fort bien vu Spinoza dès le XVIIème siècle, le secret des régimes autoritaires consiste à “tromper les hommes afin qu’ils combattent pour leur servitude, comme s’il s’agissait de leur salut”.

Alors que ce livre alimentait ma réflexion, quelques épisodes de la campagne électorale pour les présidentielles m’ont interpellé : le Président UMP de l’Assemblée nationale évoquait le programme de François Hollande (pourtant estimé fort timide par bien des citoyens de gauche) comme d’une menace dont “les conséquences économiques et sociales pourraient être comparables à celles provoquées par une guerre”. Diable. Quelques jours plus tard, l’ancien ministre de triste mémoire Claude Allègre, pourtant pourfendeur des pessimistes climatiques, se mettait à appeler à soutenir Nicolas Sarkozy parce qu’il serait un bon capitaine en “pleine tempête”. Dès que le FBI fermait Megaupload, l’Elysée dans un communiqué applaudissait cette offensive contre cette entreprise aux profits “criminels”. Guerre, tempête, crime… Si l’on y ajoute la menace terroriste et la crise de la dette, cela ressemble fort à une adaptation en langue française des scénarios concoctés jadis à Chicago.

Dans ce contexte-là il devient compréhensible qu’en dépit de prévisions électorales plutôt sinistres pour le président sortant, celui-ci ait pris le parti de proposer pire encore : TVA “sociale”, régressions de l’emploi et du pouvoir d’achat, destructions sociales diverses, limitations du droit de grève, etc. La Grèce, délibérément mise en danger de faillite (notamment par son nouveau premier ministre en personne), par ceux-là mêmes qui prétendent la soigner en la sommant de se mettre à genoux et de détruire tous les outils qui lui permettraient de se redresser, est devenue le nouvel enfer promis à tous les peuples d’Europe qui prétendraient préserver leurs acquis sociaux et leur espérance de progrès.

Portrait posthume de Nicolas Machiavel (Niccolò Machiavelli, 1469-1527)par Santo di Tito. Wikimedia Commons/Domaine Public

C’est la nouveauté sur le “vieux continent”, mais une méthode éprouvée sur les autres continents : pour être élu il faudrait être dur, et plus dur encore. Il faudrait, comme le répètent d’autres candidats effectifs ou potentiels (et sans doute moins rejetés parce que moins arrogants)  “être réalistes”, “être courageux”, “dire la vérité aux Français”, pour les unir droite et gauche confondues pour sauver le pays.

J’ouvre Le Prince de Machiavel et je lis :

S’il veut conserver sa réputation de libéral, un prince sera contraint de taxer extraordinairement les populations, d’être dur.

Gageons que ce torrent de menaces catastrophiques donnera le la de toute cette campagne.

NB : à lire, pour comprendre les stratégies sous-jacentes des principaux acteurs de cette présidentielle, l’extraordinaire livre de la canadienne Naomi Klein La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre (2007) traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné en 2008 aux Editions Leméac / Actes Sud. Une genèse passionnante, érudite et édifiante, étalée sur trois décennies, de cette stratégie du choc, qui surfe de dictatures chilienne ou argentine en fabrication de la dette, en passant par la guerre d’Irak. Au bout de cette analyse convaincante, Naomi Klein fait entrevoir la voie d’avenir : l’ “humble bricolage” des femmes et hommes qui réparent, solidifient, améliorent les matériaux qu’ils trouvent là où ils vivent, et visent l’égalité. A lire aussi, pourquoi pas, Le Prince de Machiavel…


Poster-citation par Marion Boucharlat pour OWNI.
Illustration par Sarai Photography/Flickr (CC-by) et portrait (détail) de Nicolas Machiavel par Santi di Tito [Domaine Public], via Wikimedia Commons

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http://owni.fr/2012/02/02/qui-veut-voter-pour-l%e2%80%99enfer/feed/ 23
Manifeste ¡ Democracia real ya ! http://owni.fr/2011/05/22/manifeste-democracia-real-ya-democratie-maintenant/ http://owni.fr/2011/05/22/manifeste-democracia-real-ya-democratie-maintenant/#comments Sun, 22 May 2011 16:47:08 +0000 Admin http://owni.fr/?p=63951 Voici une traduction en français, par le collectif lyonnais Rebellyon, du manifeste du mouvement ¡Democracia Real Ya! A l’initiative de plusieurs organisations sociales, d’associations citoyennes, des manifestations étaient organisées la journée 15 mai dernier sur les places des principales villes espagnoles pour protester contre les méthodes de gestion de la crise du gouvernement Zapatero.

MANIFESTE

DEMOCRACIA REAL YA ! NO SOMOS MERCANCIA EN LAS MANOS DE LOS POLITICOS Y DE LOS BANQUEROS

Nous sommes des per­son­nes ordi­nai­res. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour tra­vailler ou pour cher­cher un boulot, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui tra­vaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entou­rent.

Parmi nous, cer­tain-e-s se consi­dè­rent plus pro­gres­sis­tes, d’autres plus conser­va­teurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéo­lo­gies très défi­nies, d’autres se consi­dè­rent apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous très préoc­cupé-e-s et indi­gné-es par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale autour de nous. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, entre­pre­neurs, ban­quiers… Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.

Cette situa­tion nous fait du mal quo­ti­dien­ne­ment ; mais, tous ensem­ble, nous pou­vons la ren­ver­ser. Le moment est venu de nous mettre au tra­vail, le moment de bâtir entre nous tous une société meilleure.

Dans ce but, nous sou­te­nons fer­me­ment les affir­ma­tions sui­van­tes :

L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

Des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.

Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle au progrès de l’humanité.

La démocratie part du peuple (demos = peuple et cracia = gouvernement), par conséquent le gouvernement doit être le peuple. Cependant, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix jusqu’aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe et aussi, de procurer le plus de bienfaits possibles à la majorité de la société. Et non pas, celles de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE .

Prends la rue le 15 mai !

La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité -le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.

La volonté et le but du système sont l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.

Nous, citoyens, faisons partie de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.

Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une rentabilité économique abstraite qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons éliminer les abus et les carences que nous subissons tous.

Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Être Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.
A la vue de cela, je suis indi­gné/e.

Je crois que je peux chan­ger les choses.

Je crois que je peux aider.

Je sais que, tous ensem­ble, nous le pouvons.

Sors avec nous. C’est ton droit.

Paix et Amour - Que les gens violents restent chez eux - Pour un 15 mai courageux


Publié initialement sur le site de Democracia Real Ya

Traduit par le collectif Rebellyon.info

Traduction additionnelle : Ophelia Noor

Illustrations et photos CC FlickR: Henrique PF

Les affiches sont téléchargeables sur le site de Democracia Real Ya

Retrouvez tous les articles de notre Une Espagne sur OWNI (illustration de Une CC Flickr Le Camaleon)
- Comprendre la révolution espagnole
- Jose Luis Sampedro: “la vie ne s’arrête pas”

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Médecine du travail, burqa et autres victimes d’une semaine d’enfumage http://owni.fr/2010/09/18/medecine-du-travail-burqa-et-autres-victimes-dune-semaine-denfumage/ http://owni.fr/2010/09/18/medecine-du-travail-burqa-et-autres-victimes-dune-semaine-denfumage/#comments Sat, 18 Sep 2010 07:00:48 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=28525 La prestidigitation est un art de la diversion : mettez dans la lumière la main droite, parlez de votre main droite, personne ne regardera votre main gauche, ni ce qu’elle fait. Plus la diversion est éloignée de ce qu’elle cache, plus l’effet est remarquable. Selon ses critiques, George W. Bush aurait attiré le regard des Américains jusqu’en Irak pour ne plus parler des problèmes qui se posaient dans son pays. En élève modèle des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy importe, à son échelle, cette technique efficace. Car le battage médiatique autour de l’expulsion des Roms n’est que la circulaire qui cache le projet de loi.

Le discret démantèlement de la médecine du travail

Lundi 13 septembre, l’actualité n’est qu’à l’indignation d’une inconnue, Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice et aux Droits fondamentaux, qui se scandalise de ce document qui se concentre sur une population en fonction de son origine ethnique, « une honte » répète-t-elle à tous les micros. Plutôt que de calmer le jeu, Pierre Lellouche, envoyé le lendemain (14 septembre) à Bruxelles, jette de l’huile sur le feu, en rajoute une couche le 15 sur RTL, suivi par Chantal Brunel, qui raille la Luxembourgeoise et son petit pays, puis toute la majorité…

… une polémique assez forte pour pousser de la première place des JT et des unes la colère des députés d’opposition et, surtout, le rassemblement sur le pont en face de l’Assemblée nationale organisé par les syndicats. Là, les quelques milliers de manifestants n’enrayent en rien l’adoption de la réforme des retraites. Réforme des retraites dans laquelle le gouvernement a subréptiscement glissé le 8 septembre (lendemain de la manif) l’amendement 730 qui abroge deux articles du droit du travail. Ses conséquences ? « La destruction de la médecine du travail », résument les syndicats.

« Le gouvernement nous avait promis un texte de loi après la réforme des retraites et un débat, nous avons eu un amendement redoutable à la place, récapitule Bernard Salengro, secrétaire national CFE-CGC pour la branche médecine du travail. Il supprime la lutte contre l’altération de la santé des salariés comme mission de la médecine du travail, ouvre ces fonctions à des non-médecins (infirmières, etc.) et donne l’autorité au patron. Le conflit d’intérêt que cet amendement instaure est nuisible aussi bien à la reconnaissance qu’à la prévention des maladies professionnelles. »

Appelés « cavaliers », ces amendements sans rapport avec les lois sur lesquels ils portent sont une méthode bien connue pour éviter le débat : pour avoir les discussions que la question méritaient selon eux, les syndicats frappent désormais à la porte des sénateurs, « nous irons au conseil constitutionnel s’il le faut », prévient même Salengro. Sous le feu nourrie des polémiques entre la France et l’UE, d’autres débats n’ont pas eu cette chance d’être tenu avant leur passage au Sénat.

Au Sénat, la suspension des allocs et la loi contre la burqa passent par Roms

Personne n’était devant le Palais du Luxembourg à 14h30 le 15 septembre. Et pourtant, sous la présidence de Catherine Tasca s’y discutait le vote du projet de loi « lutte contre l’absentéisme scolaire ». Loi évoquée par Nicolas Sarokzy lors de son discours de Tremblay-en-France, prévoyant la suspension des allocations familiales aux parents dont les gosses séchaient un peu trop les cours. Une initiative qui avait largement fait parler d’elle lors de son adoption à l’Assemblée nationale le 29 juin dernier. Dans le vacarme des engueulades entre Paris et la Commission, le second vote fut indolore. Pas même ponctué par le rappel des conclusions de Jean-François Mattei, ministre de la Santé du gouvernement Raffarin, qui avait décidé en 2004 la suspension du projet de loi prévoyant les mêmes sanctions… pour cause  « d’inefficacité et d’inéquité ».

Idem pour la loi contre le port de la burqa : sous l’élégante formule de « Projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », le débat fut mené à son terme au Sénat le 14 septembre. Trop occupé par la stigmation des Roms, l’arène publique n’avaient plus la place pour cette autre polémique. Un calme dont se félicitait justement Jean-Louis Masson, député non inscrit, bien que clairement favorable au virage sécuritaire de la majorité :

« lorsque l’on traite des problèmes de sécurité, il conviendrait d’éviter les polémiques systématiques et de se dispenser de toute gesticulation politicienne, recommandait le sénateur de Moselle en séance. Cela vaut pour le débat sur la burqa, mais je pense aussi à la politique du Gouvernement, politique que je soutiens par ailleurs, visant à expulser des gens qui n’ont rien à faire sur notre territoire. En revanche, il n’est pas nécessaire que le Président de la République ou certains ministres gesticulent à tout va et ameutent les foules pour annoncer l’affrètement de charters ! »

Or, là où M. Masson se trompe, c’est que ce sont précisément ces gesticulations qui ont permis, en quelques minutes d’échange, d’expédier des mois de débat.

À côté de ces trois questions qui auraient mérités la place publique, notre attention a probablement laissé filer d’autres mesures. Nous laissons nos lecteurs et nos confrères remplir les vides, ici ou ailleurs. Mais, au delà du petit jeu de décryptage politique, ces adoptions ne sont pas que des tours de passe-passe politiciens. Le démantèlement sauvage de la médecine du travail revient sur un acquis du Conseil national de la résistance, devenu essentiel dans l’accélération d’une société productiviste gênée par les limites mécaniques de salariés que les cadences usent.

Mais cette accumulation de petits ajustements fera à l’arrivée un gros bilan, celui-là même dont Nicolas Sarkozy se prévaudra au moment d’entrer en course pour 2012. Elu en 2007 sur la rengaine du « je fais ce que je dis, je dis ce que je fais », le Président n’aura pour défendre sa réélection qu’à afficher la liste de ses réalisations, où l’on découvrira certainement d’autres mesures votées à la chandelle un jour d’inattention. « Et vous voulez laissez la gauche détruire tout ça », dira-t-il pour répondre à l’opposition. Comme de grands enfants déçus, tout le monde regrettera d’avoir trop regarder la main qui bougeait dans la lumière pendant que l’autre nous piquait nos droits.

Crédits Photo CC Flickr : Jolipunk, Terreta, Ma Gali.

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Le Cluetrain Manifesto appliqué à la politique http://owni.fr/2010/03/19/le-cluetrain-manifesto-applique-a-la-politique/ http://owni.fr/2010/03/19/le-cluetrain-manifesto-applique-a-la-politique/#comments Fri, 19 Mar 2010 13:33:30 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=10391 2406305116_3d49243f6c

Image CC baratunde sur Flickr

Le Cluetrain Manifesto ( en français, Le manifeste des Évidences) est un petit peu la bible du  nouveau web. Sorties en 1999 par Levine, Locke, Searls & Weinberger, ces 95 affirmations sont autant de clés fondamentales pour comprendre les changements de mentalité que le web provoque, de gré ou de force, au sein des entreprises.

Une seule chose compte: l’utilisateur. C’est lui qui désormais mène la danse, fût-elle encore un peu folklorique :-)

Depuis que je blogue, j’ai relu à maintes reprises ce Cluetrain. Comme toutes les évidences, il faut avoir souvent enfoncé le clou pour se rendre compte de la puissance du marteau. Il y a trois ans, sentant un peu le vent venir, je m’étais attelé à transcrire à l’échelle de la politique les 95 thèses développées dans le Manifeste.

Amis français, vous qui allez voter dimanche, je crois que la lecture des quelques lignes ci-dessous devraient vous mettre en joie. Ou pas…

Électeurs connectés …

Les électeurs connectés commencent à s’organiser plus vite que les partis et les organismes politiques qui les ont traditionnellement ciblés. Grâce au web, ces électeurs deviennent mieux informés, plus intelligents et plus demandeurs en qualités, qui font défaut à la plupart des partis et organismes politiques.

… Les habitants de la Terre

Le ciel s’ouvre sur les étoiles. Les nuages passent au dessus de nous, jour et nuit. Les marées montent et descendent. Quoi que vous ayez pu entendre, ceci est notre monde, notre lieu d’être. Quoi qu’on ait pu vous dire, nos drapeaux volent librement au vent. Notre coeur bat à jamais. Habitants de la Terre, souvenez vous en.

95 thèses

1. Les collèges électoraux sont des conversations.

2. Les collèges électoraux sont constitués d’êtres humains, non de secteurs démographiques.

3. Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain.

4. Que ce soit pour discuter d’information, d’opinions, de perspectives, d’arguments opposés ou humoristiques, la voix humaine est typiquement ouverte, normale, et naturelle.

5. Les gens se reconnaissent entre eux grâce au son même d’une telle voix.

6. L’Internet permet des conversations entre êtres humains qui étaient tout simplement impossibles à l’ère des masse-média.

7. Les hyperliens renversent la hiérarchie.

8. Au sein des collèges électoraux interconnectés, et des électeurs intraconnectés, les gens se parlent entre eux d’une  nouvelle façon puissante.

9. Ces conversations en réseau permettent à de nouvelles formes d’organisation sociale et d’échange de connaissance d’émerger.

10. Résultat, les électeurs deviennent plus intelligents, plus informés, plus organisés… La participation à un collège électoral en réseau change des gens fondamentalement.

11. Les électeurs en réseau ont compris qu’ils obtiennent des informations et une aide bien meilleures les uns des autres que des politiques. Autant pour la rhétorique corporatiste des partis pour ce qui est d’ajouter de la valeur à des sujets d’intérêts politiques d’intérêt général.

12. Il n’y a pas de secrets. Les électeurs connectés en savent plus que les partis sur les sujets politiques. Et que ce qu’ils découvrent soit bon ou mauvais, ils le répètent à tout le monde.

13. Ce qui arrive au sein des collèges électoraux se passe également parmi les électeurs. Une construction métaphysique appelée « le parti » est la seule chose qui les sépare.

14. Les partis politiques ne parlent pas dans la même langue que ces nouvelles conversations en réseau. Pour leurs audiences en ligne, les partis politiques semblent creux, plats et littéralement inhumains.

15. Dans quelques années à peine, l’actuelle voix homogène des politiques – le son des rapports de mission et des brochures – semblera aussi forcée et artificielle que le langage du 18ème siècle à la cour de France.

16. Déjà, les partis et les organismes politiques maniant boniment et charlatanisme, ne parlent plus à personne.

17. Les partis et les organismes politiques qui supposent que les électeurs en ligne sont les mêmes que ceux qui regardaient leur publicité à la télévision se moquent d’elles-mêmes.

18. Les partis et les organismes politiques qui ne réalisent pas que leurs collèges électoraux sont désormais un réseau d’individus à individus, plus intelligents par conséquence et très impliqués dans un dialogue, passent à côté de leur meilleure chance.

19. Les partis et les organismes politiques peuvent maintenant communiquer avec leurs électeurs directement. Si elles passent à côté, cela pourrait être leur dernière chance.

20. Les partis et les organismes politiques doivent réaliser que leurs électeurs rient beaucoup. D’eux.

21. Les partis et les organismes politiques devraient se détendre et se prendre un peu moins au sérieux. Elles ont besoin d’un sens de l’humour.

22. Avoir le sens de l’humour ne signifie pas mettre des blagues sur le site web du parti. A l’inverse, cela implique de grandes qualités, un peu d’humilité, du franc parler, et un véritable point de vue.

23. Les partis politiques et les organismes essayant de se positionner devraient avoir un positionnement. Dans l’idéal, il correspond à quelque chose qui intéresse vraiment leur collège électoral.

24. Les fanfaronnades ampoulées du genre « nous sommes en position pour devenir le principal fournisseur de XYZ » ne constituent pas un positionnement.

25. Les partis et les organismes politiques doivent descendre de leurs tours d’ivoire et parler avec les personnes avec lesquelles elles espèrent instaurer une relation.

26. Les relations publiques ne parlent pas au public. Les partis et les organismes politiques ont profondément peur de leurs collèges électoraux.

27.En s’exprimant dans un langage qui est distant, peu attrayant, arrogant, ils bâtissent des murs pour maintenir à distance leurs collèges électoraux.

28. La majorité des programmes électoraux sont fondés sur la crainte que les électeurs puissent voir ce qui se passe réellement à l’intérieur du parti.

29. Elvis le dit mieux : “Nous ne pourrons pas continuer avec un esprit soupçonneux”

30. La fidélité politique est la version politique de ne rien faire, mais la rupture est inévitable – et arrive vite. Parce qu’ils sont connectés, les collèges électoraux sont capables de réévaluer une relation en un clin d’oeil.

31. Les collèges électoraux en réseau peuvent changer de sujets d’intérêt du jour au lendemain. Les activistes en réseau peuvent changer de parti pendant le déjeuner. Vos propres conduites nous ont enseignés à nous poser la question : « la loyauté ? c’est quoi déjà ? »

32. Les collèges électoraux futés trouveront les francs-tireurs politiques qui parlent leur propre langue.

33. Apprendre à parler d’une voie humaine n’est pas un truc de parloir. Cela ne s’apprend pas au cours d’une quelconque conférence.

34. Pour parler avec une voix humaine, les partis politiques doivent partager les centres d’intérêts de leurs communautés.

35. Mais avant tout, elles doivent appartenir à une communauté.

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36. Les partis et les organismes politiques doivent se demander où s’arrêtent leur culture interne.

37. Si elle s’arrête avant que la communauté commence, elles n’auront aucun collège électoral.

38. Les communautés humaines sont basées sur le dialogue- sur des dialogues humains concernant des préoccupations humaines.

39. La communauté du dialogue est le collège électoral.

40. Les partis et les organismes politiques qui n’appartiennent pas à une communauté du dialogue sont condamnés.

41. Les partis et les organismes politiques voue un culte à la sécurité, mais c’est pour brouiller les pistes. La plupart se protège moins de leurs concurrents que de leur propres collège électoral et activistes.

42. De même que dans les collèges électoraux en réseau, les gens parlent également entre eux directement à l’intérieur du parti — et pas uniquement à propos des règles et régulations, des directives du comité central et des scores électoraux.

43. De telles conversations ont lieu aujourd’hui sur les intranets politiques. Mais seulement quand les conditions sont réunies.

44. Les partis et les organismes politiques installent généralement des intranets de haut en bas pour diffuser des consignes et autres informations internes que les activistes font de leur mieux pour ignorer.

45. Les intranets ont naturellement tendance à devenir barbants. Les meilleurs sont construits de la base vers le haut, par des individus engagés, coopérant dans le but de construire quelque chose avec plus de valeur.

46. Un Intranet sain organise les activistes dans tous les sens du terme. Son effet est plus radical que l’ordre du jour de n’importe quel syndicat.

47. Bien que cela terrifie les partis politiques, ils ont également largement besoin d’intranets ouverts pour générer et partager des informations critiques. Elles doivent résister à l’envie d’améliorer ou de contrôler ces conversations en réseau.

48. Quand les intranets des partis ne sont pas bloqués par la peur et les règles juridiques, le type de conversation qu’ils favorisent, résonnent remarquablement comme les conversations des collèges électoraux.

49. Les diagrammes organisationnels fonctionnaient dans une ancienne économie, où les plans pouvaient être totalement compris au plus haut de la pyramide manageuriale et que des ordres de travail précis pouvaient alors être donnés vers le bas.

50. Aujourd’hui, la charte organisationnelle est hyperliée, et non hiérarchique. Le respect pour la transmission de la connaissance est bien plus fort que celui pour une autorité abstraite.

51. Le management du style commander-et-contrôler vient de et renforce la bureaucratie, la lutte du pouvoir et une culture globale de la paranoïa.

52. La paranoïa tue le dialogue. C’est son but. Mais le manque de dialogue peut tuer un parti.

53. Il y a deux sortes de dialogues en cours. Un à l’intérieur du parti. Un avec les électeurs.

54. Dans la plupart des cas, aucun des deux ne se passe très bien. Pratiquement à chaque fois, la cause de l’échec peut être ramenée à des notions obsolètes de l’autorité et du contrôle.

55. En tant que politiques, ces notions sont du poison. En tant qu’outils, elles ne marchent pas. L’autorité et le contrôle rencontrent l’hostilité des acivistes intraconnectés et génère une méfiance parmi les électeurs interconnectés.

56. Ces deux conversations veulent dialoguer l’une avec l’autre. Elles parlent le même langage. Elles se reconnaissent mutuellement.

57. Les partis et organismes politiques futés se pousseront et aideront l’inévitable à arriver plus vite.

58. Si la volonté de se mettre de côté était un critère d’évaluation du QI, alors très peu de partis politiques sociétés seraient dans le coup.

59. Aussi subliminal que cela soit sur le moment, des millions de personnes en ligne perçoivent maintenant les partis politiques comme à peine mieux que de pittoresques fictions légales qui font de leur mieux pour éviter que ces conversations ne se croisent.

60. C’est suicidaire. Les électeurs veulent parler aux partis politiques.

61. Malheureusement, la partie du parti à laquelle les électeurs connectés veulent s’adresser, est généralement cachée derrière un écran de fumée de boniments, d’un langage qui sonne faux, et qui généralement, l’est.

62. Les électeurs ne veulent pas parler aux portes-parole. Ils veulent participer aux conversations ayant cours de l’autre côté du mur d’enceinte du parti.

63. Se mettre à nu, être personnel. Nous sommes ces collèges électoraux… Nous voulons vous parler.

64. Nous voulons accéder à votre information interne, à vos plans, vos stratégies, vos meilleurs projets, votre sincère connaissance. Nous ne nous contenterons pas d’une brochure en couleurs, d’un site web plein à craquer de poudre aux yeux mais sans aucune substance.

65. Nous sommes également les militants de bases qui font fonctionner vos partis politiques. Nous voulons parler aux électeurs directement de notre propre voix et non selon des platitudes écrites dans un manifeste.

66. En tant qu’électeurs, que militants, nous n’en pouvons vraiment plus d’obtenir notre information via des télécommandes. Quel besoin avons-nous d’assemblées annuelles impersonnelles et de sondages électoraux de troisième ordre pour nous présenter les uns aux autres ?

67. En tant qu’électeurs, que militants, nous nous demandons pourquoi vous n’écoutez pas. Vous avez l’air de parler dans une autre langue.

68. Ce jargon autosuffisant que vous jetez alentours – dans la presse, à vos conférences – en quoi ça nous concerne ?

69. Peut-être vous impressionnez vos donateurs. Peut-être vous impressionnez Euronext. Vous ne nous impressionnez pas.

70. Si vous ne nous impressionnez pas, vos donateurs en seront de leur poche. Est-ce qu’ils ne peuvent pas comprendre cela ? S’ils le comprenaient, ils ne vous laisseraient pas nous parler ainsi.

71. Vos notions fatiguées de l’ »électorat » rendent vos yeux ternes. Nous ne nous reconnaissons pas dans vos projections. Peut-être parce qu’on est déjà allé voir ailleurs.

72. Nous aimons beaucoup ce nouvel espace électoral. En fait, nous le créons.

73. Vous êtes invité, mais c’est notre territoire. Laissez vos chaussures à l’entrée. Si vous voulez trinquer avec nous, descendez de votre cheval !

74. Nous sommes immunisés contre la propagande. Laissez tomber.

75. Si vous voulez nous parler, dites-nous quelque chose. Et quelque chose d’intéressant, pour une fois.

76. On a des idées pour vous aussi : de nouveaux outils dont nous avons besoin, de meilleurs propositions. Des propositions pour lesquelles nous sommes prêts à voter. Vous avez une minute ?

77. Vous êtes trop occupés à « faire de la politique » pour répondre à notre email ? Zut, désolé, on reviendra plus tard. Peut-être.

78. Vous voulez notre vote ? Nous voulons votre attention.

79. Nous voulons que vous arrêtiez votre trip, votre névrotique attention sur vous-même, venez faire la fête.

80. Ne vous inquiétez pas, vous pouvez encore gagner des voix. Enfin, à condition que ce ne soit pas votre seul soucis.

81. Avez-vous remarqué que l’argent en soi, est un peu unidimensionnel et ennuyeux ? De quoi d’autre pourrait-on parler ?

82. Vos discours ne touchent plus personne. Pourquoi ? On aimerait interroger les personnes qui les ont rédigés. Votre stratégie politique n’a aucun sens. Nous aimerions en discuter avec votre président. Comment ça, il n’est pas là ?

83. Nous voulons que vous preniez vos dizaines de milliers d’électeurs autant au sérieux qu’un seul journaliste du Soir.

84. On connaît des gens dans votre parti. Ils sont plutôt sympas en ligne. Vous en avez d’autres comme ça que vous cachez ? Est-ce qu’ils peuvent sortir pour venir jouer ?

85. Lorsque nous avons des questions, nous nous tournons les uns vers les autres pour obtenir des réponses. Si vous n’aviez pas une main si dure sur « vos gens » peut-être que nous nous tournerions vers eux.

86. Lorsque nous ne sommes pas occupés à être votre « cible électorale », la plupart d’entre nous sont vos gens. Nous préférions discuter avec des amis en ligne, plutôt que de regarder l’heure. Cela diffuserait votre nom d’une façon bien plus efficace que votre site web à un million d’euro. Mais vous nous dites que s’adresser aux électeurs est réservé aux porte-parole.

87.Cela nous ferait plaisir que vous compreniez ce qui se passe ici. Ce serait vraiment bien. Mais ce serait une grave erreur que de croire que nous allons vous attendre.

88. Nous avons de meilleures choses à faire que de nous soucier de savoir si vous allez changer à temps pour conquérir nos voix. Les élections ne sont qu’une partie de nos vies. Elles semblent remplir complètement la votre. Réfléchissez-y : qui a besoin de qui ?

89. Nous avons un vrai pouvoir et nous le savons. Si vous ne saisissez pas le concept, une autre équipe va débarquer qui sera plus attentive, plus intéressante, plus sympa pour jouer avec.

90. Même dans le pire des cas, notre toute récente conversation est plus intéressante que la plupart des salons professionnels, plus divertissante que n’importe quelle série télé, et certainement plus proche de la vie que les sites web institutionnels que vous avons vus.

91. Notre allégeance va à nous-mêmes, à nos amis, à nos nouveaux alliés et connaissances, et même à nos adversaires. Les partis et organismes politiques qui n’ont pas de liens avec ce monde, n’y auront pas de futur non plus.

92. Les politiciens dépensent des milliards d’euros pour « lutter contre le terrorisme ». Pourquoi n’entendent-ils pas la bombe à retardement de cet électorat ? Les enjeux sont bien plus importants.

93. Nous sommes à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des partis politiques. À l’intérieur et en dehors d’eux. Les barrières qui délimitent nos dialogues sont comme le mur de Berlin aujourd’hui, mais elles ne sont qu’un désagrément. Nous savons qu’elles finiront par tomber. Et nous allons nous appliquer des deux côtés, à les faire tomber.

94. Pour les partis traditionnels, les conversations en réseau peuvent sembler confuses, perturbantes et désarçonnantes. Mais nous nous organisons plus vite que vous ne le faites. Nous avons de meilleurs outils, d’avantages d’idées neuves, et aucun règlement pour nous ralentir.

95. Nous nous éveillons et nous connectons les uns aux autres. Nous observons. Mais nous n’attendons pas.

Billet initialement publié sur Blogging the news

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Libérons les bureaux de votes ! http://owni.fr/2010/03/04/liberons-les-bureaux-de-votes/ http://owni.fr/2010/03/04/liberons-les-bureaux-de-votes/#comments Thu, 04 Mar 2010 11:31:48 +0000 Regards Citoyens http://owni.fr/?p=9397 468379788_d62d4b31f9_o

Le sésame pour aller voter

Il est très difficile de connaître l’emplacement de tous les bureaux de vote. Nous nous en sommes aperçus lors de notre travail sur l’étude du redécoupage électoral. Le ministère de l’intérieur ne centralise pas ces données. Il s’agit pourtant d’informations nécessaires à notre travail citoyen. Le seul moyen de les obtenir : contacter les 36 000 mairies ou les 100 préfectures départementales. Nous avions donc décroché nos téléphones, et contacté une quarantaine de villes et préfectures pour obtenir les adresses des 1 400 bureaux de vote impliqués dans le redécoupage.

Une fois le bon interlocuteur identifié, le défi consiste à obtenir le document recensant les adresses des différents bureaux de vote. De la liste manuscrite dictée par téléphone au document scanné de travers, les cas de figure sont nombreux ! Et il faut ensuite tirer des documents ainsi obtenus les données utiles dans un format structuré : extraire les adresses et les identifiants, positionner les adresses sur une carte, et associer les bureaux de vote aux résultats électoraux.

En parlant de ce travail, nous avons découvert que des acteurs comme 22mars, La Netscouade ou BureauDeVote.fr rencontraient les mêmes problèmes. Parmi eux, Nicolas Kayser-Bril de 22mars avait déjà contacté toutes les préfectures. Plutôt que de travailler chacun seul dans son coin, nous avons décidé d’unir nos forces pour reconstituer ces informations qui devraient être accessible à tous.

Grâce au travail de NKB de 22mars, 88% des documents ont été réunis. Seules quelques préfectures ne nous ont toujours pas fait parvenir les documents définissant leurs bureaux de vote, et la poursuite des efforts de chacun finira certainement par payer.

Mais le travail n’est pas fini ! Il reste désormais à convertir l’ensemble de ces documents en données exploitables. Là encore nous tentons d’innover : reconnaissance de texte OCR, conversion automatique de PDF, conversion de tableurs, … Parfois avec succès, souvent beaucoup plus difficilement. La dernière expérience en date est une application de crowdsourcing permettant de faciliter et décentraliser la partie manuelle du travail. Grâce à cette plateforme participative, quiconque ayant ne serait-ce que 5 minutes pour nous aider peut participer à libérer ces informations.

Parce que nous estimons que l’accès à ces données est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie et qu’elles devraient appartenir à tous les citoyens, nous avons décidé d’ouvrir également une plateforme de partage afin que chacun puisse s’approprier au fur et à mesure de notre avancement les documents et les données produits jusqu’à présent. N’hésitez donc pas à participer vous aussi à cette aventure ! Appelez les préfectures récalcitrantes ; téléchargez nos données et les documents préfectoraux, corrigez et complétez les ; participez à la transcription communautaire grace à l’interface de crowdsourcing ! Toutes les contributions sont les bienvenues pour illustrer les usages innovants qui peuvent émerger de données aussi centrales à notre démocratie.

Rendez-vous donc très vite sur http://elections.regardscitoyens.org/ !

» Article initialement publié sur Regards Citoyens

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Loppsi : Internet devient une circonstance aggravante http://owni.fr/2010/02/11/loppsi-internet-devient-une-circonstance-aggravante/ http://owni.fr/2010/02/11/loppsi-internet-devient-une-circonstance-aggravante/#comments Thu, 11 Feb 2010 13:52:23 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=7992 Consacré à la sécurité intérieure, le projet de loi Loppsi traite dans son article 3 internet comme une circonstance aggravante. Un signe qui, ajouté aux preuves d’incompétences notoires du législateur dans le domaine, prouve une méconnaissance du web par le gouvernement qui confine à la diabolisation.

La Loppsi n’est pas une loi sur internet :

Trafic des points de permis de conduire, vidéosurveillance, police d’agglomération, cybercriminalité… Le web n’est ici légiféré qu’au passage, comme un nouveau lieu où enfreindre la loi. Voire comme le cœur même du délit. En passant en revue ses dispositions, la lecture de l’article 3 donne le fond de l’opinion du législateur sur l’essence de l’internet :« aggravation des peines encourues pour certains délits de contrefaçon ». L’aggravation en question vise les atteintes commises à l’encontre de la propriété intellectuelle quand elles sont commises sur internet que le texte vise à aligner« sur celles déjà applicables lorsque le délit est commis en bande organisée. »Le web serait, vu des fenêtres du ministère de l’Intérieur, une nouvelle forme de bande organisée, une circonstance aggravante qui surqualifie le deal de contenus culturels à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende.

Dans son bureau du bâtiment Chaban-Delmas, le député UMP de Haute-Savoie Lionel Tardy s’apprête à aller « en remettre une couche » dans l’hémicycle après quelques duels d’amendements contre la majorité sur la Hadopi. « Je serai moins véhément, car la Loppsi s’en prend aux hébergeurs plutôt qu’aux utilisateurs, annonce-t-il un peu las. Les parlementaires prennent peu à peu conscience qu’il faut légiférer sur Internet mais, à la lecture du texte, force est de constater qu’ils n’y connaissent rien : les modalités d’applications ne sont presque pas précisées ou simplement déjà dépassées. »

Ironie de l’agenda, le matin même, la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique tenait salondans le cadre de son opération pour les Elues 2.0. Mais pour Lionel Tardy, la vraie opinion du gouvernement sur le web est plutôt à chercher du côtéde l’amendement 244 rectificatif deJacques Myard exigeant des campagnes de sensibilisation régulières « aux risques d’insécurité et d’escroqueries sur les supports de communication au public en ligne. » Bien que rejeté, il résume pour le député de Haute-Savoie l’esprit, le fond honteux de l’opinion gouvernementale :« Internet, c’est le Diable ! »

Protéger contre les atteintes à l’honneur, mais pas contre le fishing

Certains intitulés laissent espérer une vraie prise de conscience des risques spécifiques à Internet : l’article 2 annonce ainsi « réprimer l’utilisation malveillante, dans le cadre des communications électroniques, de l’identité d’autrui ou de toute autre donnée personnelle. » Mais pas un mot du fishing* et autres piratages, simplement la crainte des « atteintes à l’honneur ou à la considération », en un mot, de la diffamation. Un délit condamné sur le modèle des appels téléphoniques malveillants.

Comme si la législation ne se basait que sur l’expérience personnelle des membres du gouvernement ou de la majorité, tournés en ridicule sur Facebook ou parodiés par de faux comptes Twitter (alors que le service de microbloggingles tolère ouvertement). L’idée même inquiétait en séance le socialiste Patrick Bloche, qui y voyait un pas vers la mise en cause du droit au détournement parodique. Dans une autre salle, le groupe de travail éthique et numérique continuait d’auditionner des fournisseurs d’accès à Internet inquiets de l’explosion des détournements de coordonnées bancaires. Un constat que l’imprécision technique de la Loppsi ravale au rang de science fiction.

A un mot de la justice d’exception

Quand la Loppsi tranche dans le web, c’est dans le vif et sans regarder, de peur d’être éclaboussée : les procédures de l’article 4 pour lutter contre la pédopornographie proposent ainsi de bloquer les sites concernées, sans préciser si la suspension concerne le nom de domaine ou l’URL. Une précision également exigée par Patrick Bloche, afin d’éviter les « victimes collatérales »hébergées sur des noms de domaines visées par cette disposition. Une mesure qui ne tient même pas compte des risques déjà soulevés lors du débat sur les jeux en ligne d’hébergement à l’étranger ou de cryptage des sites. D’un Internet conçu au delà des limites du territoire de la République. « Même Frédéric Lefebvre disait qu’il fallait un G20 du Net, rappelle Lionel Tardy avant d’ajouter, souriant de son aveux : pour une fois, je suis d’accord avec lui ! »

Mais il y a plus inquiétant. Il s’en est fallu d’un mot de Brice Hortefeux pour rétablir l’intervention d’un juge dans la décision de blocage. Dans la soirée de ce mercredi 10 février, le ministre de l’Intérieur s’est finalement rangé à la « sagesse de l’Assemblée »,et de la commission des Lois, pour que cette décision judiciaire prenne la voie normale. Une évidence pour certains, mais pas pour les« délires moranoïaques » d’une partie de la majorité, qui n’aurait rien vu de mal dans une justice d’exception, François Baroin allant même jusqu’à dire qu’il n’y avait pas de parallèle à faire avec les contenus culturels, alors que le même problème se posait déjà pour la Hadopi. Comme une revanche contre ce web échappant à son contrôle, perçu comme une zone de non-droit, le gouvernement aurait voulu en faire le lieu d’un autre droit.

*Hameçonnage : technique consistant à soutirer des informations personnelles (notamment des données bancaires) au moyen d’un mail ou d’un site se faisant passer pour un interlocuteur légitime (établissement bancaire, e-commerce, etc.).

» Article initialement publié sur Electron Libre

» Photo d’illustration par kimdokhac sur Flickr

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Suivre en direct de l’Assemblée la LOPPSI ? C’est pas gagné… http://owni.fr/2010/02/09/suivre-en-direct-de-l%e2%80%99assemblee-la-loppsi-c%e2%80%99est-pas-gagne%e2%80%a6/ http://owni.fr/2010/02/09/suivre-en-direct-de-l%e2%80%99assemblee-la-loppsi-c%e2%80%99est-pas-gagne%e2%80%a6/#comments Tue, 09 Feb 2010 17:16:38 +0000 Regards Citoyens http://owni.fr/?p=7868
Lors des débats depuis les tribunes
CC – Richard Ying

Comment donner envie aux citoyens de suivre les travaux parlementaires ? Comment recréer un lien entre l’activité parisienne des députés et leurs électeurs ? Voilà les questions que nous nous posons souvent à Regards Citoyens.

Nous pensons que des projets de lois aussi riches que la LOPPSI sont de bonnes occasions d’exercer cette pégagogie. Ce texte traite à la fois d’Internet, de scanners corporels, de vidéo-surveillance, de police municipale, d’espions, de la presse ou encore des entreprises spécialisée dans l’intelligence économique. Il suscite donc réticences et résistances, mais aussi enthousiasme voire fantasmes. Les débats seront certainement animés et donnent donc une bonne occasion pour innover dans le traitement de l’actualité parlementaire.

C’est pourquoi nous souhaitions nous associer avec LePost.fr et proposer une plateforme innovante autour de ce texte.

Nous avons donc d’abord développé Simplifions la loi 2.0 pour le texte de loi de la LOPPSI : grâce à notre outil, les internautes peuvent lire en contexte et commenter le texte relié à ses amendements.

En parallèle de cette observation minutieuse mais distante du travail parlementaire, nous nous sommes dit qu’être présents en tribunes publiques apporterait une vraie plus-value. Le flux vidéo des débats de l’Assemblée permet de suivre les orateurs mais pas d’observer le reste des députés ni d’évaluer les enjeux de chaque vote : être présent physiquement est le seul moyen de voir si des députés sont remontés et s’ils viennent par intérêt pour les débats ou juste pour préserver les équilibres politiques. La meilleure couverture que nous pouvions apporter au Post aurait donc été de rapporter le déroulement des débats en direct depuis les tribunes, avec Twitter par exemple.

Malheureusement le rêglement relatif au comportement du public est très strict : seuls papiers et crayons sont autorisés, il nous était donc impossible de réaliser cela sans une accréditation presse. Rien de plus simple pour un journal en ligne comme LePost.fr, qui l’avait déjà fait avec un photographe amateur durant les débats HADOPI. Le Post a donc engagé les démarches avec le service presse de l’Assemblée la semaine dernière, avant de se voir finalement refuser cette accréditation quelques heures avant le début des débats. Le motif : « Nous ne souhaitons pas faire une jurisprudence ». Les services de l’Assemblée préfèrent donc que les tribunes presse restent vides, les journalistes parlementaires ayant depuis longtemps déserté ces tribunes, plutot que d’accueillir de nouvelles formes de couverture de l’actualité parlementaire qui associerait journalistes et citoyens.

Persuadés de l’importance de ce travail pédagogique, nous irons malgré tout assister aux débats, et nous trouverons des moyens de vous rapporter au maximum nos observations. Mais ce manque d’ouverture des l’Assemblée n’est pas à l’honneur de nos institutions.

La programmation des débats sur la LOPPSI est la suivante, les personnes curieuses peuvent suivre les débats en direct avec la vidéo sur le site de l’Assemblée :

matin après-midi soir
Mardi 9 Février 17h -> 20h 21h30 -> ≃ 00h30 *
Mercredi 10 Février 16h -> 20h 21h30 -> ≃ 00h30 *
Jeudi 11 Février 9h30 -> 12h30 15h -> 20h 21h30 -> ??? *
Mardi 16 Février 16h : Vote Solennel

* Les débats du soir peuvent se poursuivre parfois jusque 4 ou 5 heures du matin. Le calendrier prévisionnel permet cependant d’estimer que ceux de mardi et mercredi soir finiront probablement plus tôt, aux alentours de minuit. En revanche ceux du jeudi pourront s’étendre jusqu’à ce que le texte ait été discuté dans sa totalité, voire s’achever exceptionnellement le vendredi si nécessaire. Suivant la décision de la conférence des présidents, le vote final sur le texte pourra avoir lieu soit à la fin des débats, soit sous la forme d’un scrutin solennel à 16h le mardi suivant.

Liens utiles :

>Le texte de loi
>Les amendements
>La feuille jaune présentant le programme des discussions
>RegardsCitoyens sur Twitter
>Page LOPPSI sur LePost.fr

» Article initialement publié sur Regards Citoyens

» Illustration de page d’accueil par Julie70 sur Flickr

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