La ruée vers rien

Le 28 janvier 2010

Nous le savons, le parisien est pressé et s’il y a bien un endroit où cet homme n’a plus la maîtrise du temps qu’il accorde à ses déplacements, c’est le transport en commun. Sa raison de vivre : arriver vite où qu’il aille ! On imagine très bien le père de famille qui tous les soirs, [...]

Nous le savons, le parisien est pressé et s’il y a bien un endroit où cet homme n’a plus la maîtrise du temps qu’il accorde à ses déplacements, c’est le transport en commun.

Sa raison de vivre : arriver vite où qu’il aille ! On imagine très bien le père de famille qui tous les soirs, une fois la porte de sa cahute franchie, note ses temps quotidiens sur le paperboard placé dans l’entrée, suivi d’un “Chérie ! Devine quoi ?!…”

Alors dans son train et pendant toute la durée du trajet, l’homme de la capitale résigné et frustré observe un silence de plomb. Enfermé dans sa cage en métal, il ne peut plus gagner de temps, il n’a donc d’autre solution que de se préparer à un sprint final qui lui permettra d’arriver plus vite euh… quelque part.

Au bout d’un moment, nous le pensons même assoupi, confiné au fin fond de ses pensées ma foi étriquées. Mais très vite il reprend ses esprits car arrive le moment de participer à la grande course, il faudrait pas se louper (ni faire un faux départ…) !

Entre le moment où le train avance à allure d’Homme et celui où la porte s’ouvrira, l’attente est insupportable. Nous y sommes presque, la pression est à son apogée. MAIS NE S’ARRÊTERA-T-IL DONC JAMAIS ! Le train en provenance de St Cloud s’immobilise enfin, avec tous les parisiens que ça suppose amassés à 20 centimètres de part et d’autre des portes semi-automatiques.

La ruée peut commencer. Le parisien joue du coude et assassine du regard tout ce tas d’hominidés agglutinés sur le quais. Il passe ensuite la seconde et applique les mêmes règles que sur le périph’ : queues de poisson et changements impromptus de voie, tous les coups sont permis. Lorsque par mégarde, un vulgaire objet doué de parole vient le bousculer, un râle est éructé pour signaler son agacement. “Cet inconscient vient de me faire perdre une seconde, on s’étonne après que des mecs pètent un câble et se mettent à distribuer généreusement quelques bastos dans des lieux de fortes affluences. Je suis vraiment trop bon.” se dit-il.

Plus loin, sur le quais de métro, je retrouve l’homme à l’attaché case qui était parti en trombe juste devant moi il y a quelques instants. Nous voici donc tous les deux en train d’attendre.

Amusé, je me dis qu’au final le plus important, c’est qu’il soit convaincu d’avoir gagné son temps, même si pour ça il doit maintenant supporter de suer comme truie mettant bas sa progéniture.

Yoan

> Article initialement publié sur Vie de Parisiens

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