L’ère des “curators” aurait-elle sonné?

Le 26 novembre 2010

Face à la profusion des sources d'information, le curatoring devient le nouveau sésame pour organiser l'immense flot du réseau. Des outils apparaissent à cet effet, qui ne sont pas basés sur des algorithmes pour faire le tri.

Il y a eu les Webmasters. Il y a eu les Blogueurs. Il serait donc venu le temps des Curators !

Si vous ignorez le sens du mot “curation”, préparez-vous à l’entendre. Depuis quelques mois, de nombreux observateurs américains des médias sociaux en prédisent l’avènement et en font même une “opportunité à 1 milliard de dollars”.

Alors, de quoi s’agit-il ? Une des définitions que j’aime bien est celle de Rohit Bhargava :

Un “Content Curator” est quelqu’un qui continuellement trouve, regroupe, organise et partage le contenu en ligne le meilleur et le plus pertinent sur un sujet spécifique.

Le problème que résout ce curator est donc le suivant : dans le web social, comment distinguer le bruit du signal, l’information importante de la banalité ? Comment l’organiser et l’éditorialiser ? Bref, comment donner du sens au web social à l’heure de Twitter et de ses 3,283 tweets par seconde ?

Une rédaction en chef participative

Le web 2.0 a depuis longtemps ses journalistes ; il avait besoin de rédacteurs en chef : ce serait donc eux.

Mais comment construire un modèle participatif sur ce sujet ? Dans une salle de rédaction, tout est clair : dans rédacteur en chef, il y a chef. Sous-entendu, un seul. Mais sur le web, tout le monde a sa voix au chapitre.

On a d’abord cru que Twitter permettait cette curation. Tweeter un lien, c’est l’avoir trouvé et lui donner une valeur qu’il n’avait pas auparavant. Le problème c’est que quand tout le monde se met à faire ça, on peut facilement s’y perdre…

La deuxième vague de la “curation” – à ce stade vous comprendrez que je renonce à traduire le mot en français – est arrivée via les algorithmes. TweetMeme classe les articles (que son bouton permet de tweeter en un clic) en fonction de leur popularité sur Twitter. Ce type de solution (comme Wikio en France, qui a d’ailleurs intégré Twitter comme métrique récemment) amène donc une hiérarchisation.

Les limites des algorithmes

Certains – et j’en fais partie – pensent que ça ne suffit pas. Il y a sur le sujet un excellent article de Tom Forenski sur le “Human Web” que je vais essayer de résumer :

- les algorithmes sont constamment manipulés là où les humains ne le sont pas : le SEO n’est que ça après tout et la débâcle chronique de Digg sur le sujet nous le rappelle.

- le besoin de thématisation : la popularité c’est bien, mais si je m’intéresse à des sujets de niche, ça ne marche plus.

- le besoin d’éditorialisation : c’est-à-dire le fait de donner du contexte sans être un simple perroquet. Une démonstration brillante est celle qu’Éric Dupin nous donne quotidiennement à travers lefocus.com (inspiré du célèbre Drudge Report – un phénomène du web américain). En renommant la une du Nouvel Obs sur la déclaration du pape sur les Roms en “Cohérent ? Quand le Pape tacle le gouvernement français, la gauche anticléricale devient pieuse“, on comprend le nouvel éclairage qui est alors donné et qu’aucun algorithme n’aurait pu faire.

Les chiffres de TweetMeme semblent eux aussi montrer la limite du “tout algo” (NB : je parle du plateau sur 2010, la baisse depuis l’été est principalement due au fait que Twitter ait lancé son propre bouton).

Depuis quelques mois, certains, Robert Scoble en tête, demandent et prédisent l’avènement de nouvelles plateformes de curation qui ne seraient pas fondées sur des algorithmes mais qui permettraient aux curators de faire le travail. Il semble qu’ils aient été entendus par plusieurs start-ups dont voici une liste qui ne se prétend pas exhaustive : PearltreesCurated.byStorify et donc désormais Scoop.it.

L’humain au cœur de la sélection

Je ne vais pas me lancer dans une comparaison de toutes ces plateformes. Mais si elles ont leurs différences (Pearltrees a une interface de visualisation très innovante, Curated.by et Storify sont très axés sur les événements temps réel et Scoop.it alimente le curator de suggestions pour construire son média thématique), elles font toutes ce pari de l’humain. Cette idée presque philosophique que dans les subtilités du contenu et de la sémantique, l’homme a encore une longueur d’avance sur la machine.

Qu’y trouvent ces curators ? Entre un moyen d’expression simple et peu chronophage, l’envie d’être reconnu par une communauté thématique (“Andy Warhol avait tort: on ne sera pas tous célèbre pour 15 minutes ; on sera tous célèbre pour 15 personnes“) ou bien tout simplement l’envie citoyenne de participer au grand rangement du web, difficile à dire. Sans doute un mélange de tout cela. Mais, très pragmatiquement, beaucoup font déjà ça naturellement : certains en bookmarkant, certains en partageant sur Facebook ou Twitter, d’autres en envoyant des mails, etc. Le pari de ces nouvelles plateformes, c’est d’unifier ces actions naturelles en leur donnant un sens : celui de la curation.

Les blogs et le web 2.0 sont nés de l’idée qu’en donnant à tous les moyens d’écrire sur le web, on créerait quelque chose de beaucoup plus riche qu’en laissant des ingénieurs remplir des bases de données.

Il est temps de montrer qu’en donnant à tous les moyens d’être des “curators”, ceci n’a pas été “la plus grande saloperie qu’aient jamais inventée les hommes“.

NB : pour aller plus loin, je fais ma propre curation du sujet “curation” ici.

Crédits photos cc FlickR : calafellvalo, comedy_nose, Lomo-Cam.

Article initialement publié sur TechCrunch.

Disclosure : Cédric Giorgi, rédacteur sur Techcrunch France et organisateur du #TCFRemix, est directeur marketing de Goojet (qui édite Scoop.it)

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