Georges Frêche, président ad vitam

Le 14 décembre 2010

"Le président", documentaire qui sort ce mercredi, retrace la dernière campagne d'un homme politique haut en couleurs.

Après avoir été maire de Montpellier pendant cinq mandats, le député de l’Hérault, Georges Frêche est Le Président. Le président de la région Languedoc Roussillon. A l’occasion de la campagne régionale 2010, Yves Jeuland a souhaité dresser le portrait d’un homme politique atypique, afin de témoigner de sa dernière bataille électorale.

Difficile pour commencer que de sortir un documentaire [ce mercredi 15 décembre] sur un personnage médiatique qui vient de décéder. Dans ce film, on rencontre Frêche sous différents aspects. Celui qui ressort malgré tout, c’est Frêche le bon vivant: celui qui parle comme il pense, l’homme du pays. Quand le scandale éclate à propos de son commentaire sur Fabius, il explique que « une tête pas très catholique » est une expression française. Il en rajoutera d’ailleurs pendant la campagne, ressortant sa blague à toutes les sauces, comme quelqu’un ravi d’avoir trouvé un bon mot. « Je suis populiste mais pas populaire ». Les dérapages, il en a plusieurs au compteur, et s’il n’arrive pas à les défendre, il ne s’en cache pas, il ne pratique ni euphémisme ni langue de bois. La critique n’est finalement pas axée sur l’homme, père de cinq filles, celui qui accuse 70 ans de vie dont 40 de politique.

Comme il le dit:

J’ai mené trente campagnes électorales, les trois intelligentes, je les ai perdues.

Alors si ce n’est pas un documentaire sur Frêche pris sur le vif, au naturel, connu pour ses propos controversés, ce documentaire pourrait être pris comme une vision des dessous de la politique. Les préparations d’interview à l’amiable avec Elkabach, les conseils en tous genre sur comment mentir avec aplomb pour réussir une campagne, comment arranger la vérité sur sa vie pour faire pleurer dans les chaumières.

« Contrairement aux autres, je ne suis pas un robot » affirme-t-il. Tout est préparé, rien n’est laissé au hasard, ou mieux encore : rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme. La fameuse remarque sur Fabius, scandale opportun pour le réalisateur, est ainsi récupérée à l’avantage de l’homme politique. On lui recommande de se défendre face à un pseudo complot de Martine Aubry, « Faut pas subir, Monsieur le Président » alors que justement il se pose en victime. Ou comment gagner trois points dans les sondages.

Fondamentalement, je suis un honnête homme.

C’est ça qui vous perd, Monsieur le Président.

On ne peut cependant accuser le réalisateur d’attaquer un parti politique à travers cette critique de la politique : Georges Frêche a été exclu du parti socialiste en 2007. Cette campagne électorale est un référendum pour ou contre le personnage. Cela en dit long sur la manière de voter des Français : comme aux États-Unis, on se base sur l’image. D’ailleurs, les publicitaires recommandent à Frêche de garder la canne même après son opération, parce qu’elle force le rapprochement avec Churchill.

Mais lorsque outre-Atlantique, nos cousins votent pour une personne à qui ils aimeraient ressembler (n’ont-ils pas à plusieurs reprises élu des anciens acteurs de cinéma ?), nous votons pour des gens qui nous ressemblent – ou dont nous pensons qu’ils nous ressemblent. Ce qui expliquerait aussi la grande passion des Français pour Gérard Depardieu et cette si longue présence sur le petit écran de Patrick Sébastien.

En plusieurs points du documentaire, la campagne de Frêche aux régionales pourrait faire penser à la carrière politique de Jacques Chirac. Chirac, l’homme-qui-tape-sur-le-cul-des-vaches-lors-du-salon-de-l’agriculture. Chirac, la victime de Balladur en 1993. Et Chirac qui mène la France non pas à une élection présidentielle mais à ce référendum, ce fameux faux choix pour ou contre Le Pen en 2002.

Reste de ce documentaire Georges Frêche, un homme qui ne se cache pas d’être, et nous permet d’en comprendre plus sur la manière de raisonner dans notre pays de terroir. Et pour rendre hommage à celui qui vient de nous quitter, le réalisateur le montre en permanence en train de signer et parapher à son bureau de Président de région. Ces images peuvent être prises comme une annonce, puisque c’est assis à ce même bureau, et dans cette tâche quotidienne qu’il succombe à une crise cardiaque le 24 octobre dernier.

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