Facebook aime Nicolas Sarkozy

Le 15 février 2012

Facebook est accusé par le Parti socialiste de favoriser le candidat Sarkozy en le conseillant pour sa campagne. Un coup de pouce dont ne bénéficient pas les autres partis. Et qui s'explique par les bonnes relations que l'Elysée et la firme américaine entretiennent de longue date.

Nicolas Sarkozy est en campagne. Info qui ne vous aura pas échappée tant l’artillerie lourde a (déjà) été déployée en termes de communication. Y compris sur Internet. Aujourd’hui, c’est Twitter qui en a fait les frais : en lançant son compte officiel, le président sortant a fait une razzia. Plusieurs milliers d’abonnés en quelques heures. Quelques jours plus tôt, il réécrivait son histoire sur Facebook, à l’aide d’une drôle de timeline, nouvelle façon de mettre en page un compte sur le réseau social. Petit ramdam de webcampagne qui a tourné à la grosse affaire : l’entreprise américaine est aujourd’hui suspectée de courir pour le poulain Sarkozy. Pas forcément à tort.

Une “aide technique et intellectuelle”

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A l’origine de l’accusation, le clan de François Hollande : c’est Fleur Pellerin, la responsable du pôle numérique, qui a dégainé la première. Dans un mail adressé à des représentants de Facebook France, elle juge “inacceptable” l’implication du réseau social “dans la campagne présidentielle française”, évoquant une “aide technique et intellectuelle” rendue aux équipes de Nicolas Sarkozy. Faveurs dont n’aurait pas bénéficié François Hollande.

Un échange dont le chroniqueur Frédéric Martel, proche du Parti Socialiste, s’est fait le relais dans L’Express. Dans un article publié hier, il revient longuement sur ces supposées liaisons dangereuses qu’entretiendraient l’Élysée et Facebook. Dans le viseur : Nicolas Princen, le monsieur numérique de la présidence, et Emakina, l’entreprise en charge de la communication de l’UMP sur Internet, qui aurait également raflé le contrat du candidat Sarkozy pour la campagne. Tout deux auraient bénéficié de sérieux coups de pouce de la firme américaine pour la mise en place de la fameuse timeline :

l’entreprise aurait mis à la disposition de l’Élysée ou de l’UMP des conseillers pour prendre en main les nouvelles fonctionnalités – aide dont aucun candidat à la présidentielle n’a pu bénéficier. L’équipe de Nicolas Princen à l’Élysée aurait ainsi travaillé directement avec Facebook pendant plusieurs mois pour élaborer cette Timeline.

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Cette fonctionnalité a été officiellement présentée par Facebook à un public de développeurs le 22 septembre 2011. Frédéric Martel écrit que les équipes de Nicolas Sarkozy planchaient sur le projet dès “septembre”, sous-entendant une antériorité mais sans donner plus de précisions sur la date. Une avance qui aurait donné un sacré coup de booster à la webcampagne, alors en préparation, du président sortant, dont les équipes du Parti Socialiste se plaignent de ne pas avoir bénéficié. Sans pour autant en pâtir directement.

L’équipe de la campagne web de François Hollande nous assure en effet ne pas avoir été intéressée par ce type de fonctionnalité, préférant au storytelling la mise en place d’outils de mobilisation. Par ailleurs, une telle page Facebook ne nécessite pas d’intervention particulière des équipes techniques du site. Des milliers de particuliers ont choisi faire “basculer” leur profil sur cette mise en page depuis décembre. “L’affaire” est donc moins une question de préjudice avéré que de principe ; rien ne dit que Facebook n’aurait pas tout autant aidé au développement d’une timeline pour le candidat socialiste. Si la polémique semble quelque peu montée en épingle, les accointances entre le Palais et une partie des équipes de Facebook France sont bien réelles.

Palo Alto et Sarko sont dans un bateau

S’il les dément officiellement, Nicolas Princen se vanterait en coulisse d’avoir d’excellentes relations avec Palo Alto, siège du réseau social. Qui pèseraient déjà pour 2012. Il est également très proche de Julien Codorniou, directeur des partenariats de la firme en France. Contactés par OWNI, les deux jeunes hommes gardent le silence, Julien Codorniou se contentant de renvoyer vers le cabinet de lobbying Apco, qui gère la communication de Facebook France, et assure “partager les mêmes informations avec toutes les personnalités publiques qui souhaitent utiliser Facebook [...]. En toute impartialité.” En interne, en revanche, la situation fait grincer des dents. Et les informations du PS ne sont pas forcément démenties.
Rien ne semble néanmoins engagé pour tirer ces relations au clair. L’affaire n’est pourtant pas anodine : le code électoral français interdit à “une personne morale de droit étranger” de fournir à un candidat “des contributions ou aides matérielles.”

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En novembre 2010, Facebook serait déjà intervenu en faveur de Nicolas Sarkozy, (voir notre enquête Partis en ligne). A la demande de l’entrepreneur Jean-Baptiste Descroix-Vernier, membre du Conseil National du numérique institué en avril dernier par la Présidence, le site aurait supprimé des contenus, dont certains auraient été jugés particulièrement graves.

Coïncidences troublantes

Si le Parti Socialiste n’a pas directement fait les frais de ce favoritisme supposé, d’autres partis, en revanche, évoquent des coïncidences troublantes.

L’entourage de Dominique de Villepin en particulier nous informe avoir voulu utiliser la fonction timeline dès janvier. Impossible, le profil ayant été bloqué au motif de soupçons d’usurpation d’identité. Envoi d’une copie de la carte d’identité du candidat, mail aux équipes américaines : les démarches répétées de l’équipe de République solidaire n’y feront rien. Le 11 février, Nicolas Sarkozy est le premier homme politique français à utiliser la timeline. Une demie-heure plus tard, le profil de Dominique de Villepin est débloqué. En cause : Anne-Sophie Bordry, lobbyiste France et Europe du Sud de Facebook, qui aurait tardé à donner suite aux sollicitations. Personnalité d’autant plus suspecte qu’elle est passée par les cabinets d’Eric Besson et de Nathalie Kosciusko-Morizet, au temps du Secrétariat d’État à l’Économie numérique, de 2008 à 2010. Réaction laconique de l’intéressée, contactée par OWNI : “tout le monde est traité de la même manière”.

Ce que réfutent d’autres équipes de campagne. Celle de François Bayrou explique que malgré plusieurs rencontres avec Facebook France, elle n’a bénéficié d’aucun conseil visant à la mise en place de la fameuse timeline. Quant au directeur de la communication de Jean-Luc Mélenchon, Arnauld Champremier-Trigano, il ironise sur son profil Facebook : “Je précise à la direction de Facebook que je suis joignable sur mon inbox pour leurs offres de service”.

Au Parti Socialiste, on insiste :

On est assez troublé de la manière dont ça s’est passé et on s’attend à ce que Facebook France s’explique.

Avant de conclure :

Le combat va être rude, et à tous les niveaux.

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